Making of SEGA Touring Car

Même si la PlayStation domine sans partage l’univers du jeu de course sur consoles 32 bits, la Saturn n’a pas dit son dernier mot. Outre des petits titres comme F1 Live Information (ultra immersif en japonais) et Hang On GP’95, les possesseurs de la machine noire n’ont pu passer à côté du phénoménal SEGA Rally. Conversion absolument parfaite de l’arcade, ce jeu est tout simplement devenu culte. On peut aussi signaler l’excellent Manx TT Superbike ou le très rapide SEGA Touring Car. Réalisé par le studio AM Annex, ce dernier n’a toutefois pas suivi la même trajectoire que SEGA Rally, la faute à une adaptation Saturn trop perfectible. Retour sur un jeu qui aurait mérité un autre destin. Direction le milieu des années 90 !



SEGA Touring Car, c’est un peu l’antithèse de SEGA Rally. Cette fois, le joueur est aux commandes de voitures de tourisme qui prennent le départ sur des circuits réglementés. Exit donc la nature et le côté sauvage de SEGA Rally, SEGA Touring Car prône une autre approche. Avec son ambiance dance et ses sensations de vitesse grisantes, ce jeu d’arcade affiche de belles qualités.
Tout commence à la fin du développement de Manx TT. A l’époque, Tetsuya Mizuguchi cherche à créer une petite équipe afin de garder un contrôle sur sa future réalisation. Comme il l’explique dans SEGA Saturn Magazine #18, la team de l’AM#3, tout comme les locaux, sont devenus considérables au milieu des années 90. Rien pour pour l’AM#3, on dénombre à l’époque plus de 100 personnes, ce qui offre une grande variété de talents et d’idées. Mais en terme de gestion, c’est très compliqué et Tetsuya Mizuguchi préfère laisser cette tâche à quelqu’un d’autre. La discussion qu’il a alors avec Mr. Oguchi et Mr. H. Suzuki va lui permettre de donner naissance à une nouvelle entité : AM Annex. Pour monter son équipe, le japonais s’entoure du personnel de SEGA (notamment des développeurs de SEGA Rally et Manx TT) mais aussi de talents extérieurs (piqués à d’autres éditeurs). Lors des débuts de l’AM Annex, la taille de ce département n’a rien à voir avec l’AM#3 puisqu’on dénombre environ une quinzaine de personnes (16 exactement). Même si AM Annex est appelé à grandir, Tetsuya Mizuguchi sait qu’il peut désormais mener un projet à taille humaine, même si, dans les faits, la manière de fonctionner est la même que pour l’AM#1, 2 ou 3. C’est juste que les idées circulent beaucoup vite et que les décisions sont prises bien plus rapidement.


Les débuts
L’idée de SEGA Touring Car vient à Tetsuya Mizuguchi alors qu’il est en plein développement de Manx TT, son futur jeu de moto. Un jour, il profite d’un petit moment pour souffler quand son regard est attiré par une vidéo et un magazine. Ces derniers traînent là depuis plusieurs jours sur son bureau sans qu’il ait eu le temps d’y jeter un oeil. Il s’agit d’un magazine et d’une vidéo consacrés au German Touring Car Championship et l’impact est tel que le japonais pense tout de suite à adapter la discipline en jeu vidéo. En ces temps reculés, les courses de GT (ou grand tourisme) ne sont pas très connues du public et Tetsuya Mizuguchi sait qu’il tient là quelque chose d’original.

La machine est lancée
Outre le rythme des courses et les accidents, le créateur est attiré par l’aspect “international” des courses de grand tourisme. Des dizaines de pays y participent, ce qui a pour effet de créer une atmosphère unique. Il résume l’idée de la manière suivante : “Je voulais créer un jeu que les joueurs du monde entier puissent apprécier comme s’il s’agissait de leur première expérience. SEGA Rally est un titre très individualiste où seul votre compétence de pilote compte.” En d’autres termes, SEGA Touring Car se doit d’aller plus loin que SEGA Rally mais la tâche n’est pas une mince affaire. Pour s’imprégner de l’ambiance des courses GT, l’équipe de l’AM Annex a passé de nombreuses heures à regarder des séquences vidéo ainsi que des livres traitant du sujet. Et comme ce fut le cas pour SEGA Rally ou Manx TT, l’équipe s’est déplacée à plusieurs reprises pour assister à des courses, et certains ont même été triés sur le volet pour prendre les commandes en compagnie de pilotes professionnels. Ce fut le cas des programmeurs principaux du jeu. Tetsuya Mizuguchi apporte des précisions supplémentaires : “Pour tout vous dire, SEGA a même loué un circuit durant une journée et on a emprunté quelques bolides professionnels.” Ils ne font pas les choses à moitié ! En complément de cela, les designers se sont rendus en Allemagne et en Finlande, munis de leur caméra, afin de photographier et filmer sous différents angles plusieurs circuits ainsi qu’une quantité astronomique de paysages.


Le réalisme a un prix
Pour SEGA Rally, Tetsuya Mizuguchi s’était heurté à la “dureté” de Toyota. Pour convaincre le constructeur automobile, il a alors eu l’idée géniale de se rendre en Italie pour proposer le contrat à Fiat. La firme européenne a accepté ce qui a poussé Toyota à en faire de même. Et pour cause, les deux constructeurs se tiraient la bourre à l’époque pour le Championnat du Monde de Rallye. Cette fois, le japonais a pu compter sur les conseils plus que précieux du pilote Naoki Hattori. Pour les constructeurs et les sponsors, cela a valu de nombreuses sueurs froides à Mr Taniguchi. Pendant que l’Assistant Producer reste sur place à gérer les paperasses (pour faire apparaître chaque sponsor un à un : Mobil, Castrol), Tetsuya Mizuguchi se rend en Europe et aux États-Unis. Il parvient, grâce à une habile présentation, à convaincre Toyota, Opel, AlphaRomeo et Mercedes. Dans l’ensemble, les négociations se sont bien passées, le succès de SEGA Rally étant passé par là.
Boum, boum, boum
SEGA Touring Car, impressionnant sur Model 2 (le développement s’est déroulé sans accroc), a été un travail de longue haleine. L’intelligence artificielle, entièrement codée par un seul programmeur, a demandé des heures de tâtonnement. Tetsuya Mizuguchi voulait atteindre l’équilibre parfait entre réalisme et accessibilité, et ce n’est pas simple. Quoiqu’il en soit, l’équipe de l’AM Annex a fait en sorte d’obtenir une ambiance très immersive. C’est dans cette optique qu’ils ont contacté le studio AVEX TRAX qui leur a proposé des chansons venues de Belgique, d’Italie ou encore du Japon. SEGA a aussi proposé à de jeunes groupes de mettre en musique le jeu. Le résultat, très varié, offre une approche assez originale en matière de B.O. Certes, le tout est très dance music mais il faut savoir que les candidats n’ont pas été pris au pifomètre, il y a eu des auditions dans plusieurs pays, preuve que la partie sonore est une donnée importante pour SEGA.


L’échec de la version Saturn
SEGA Touring Car a marqué les esprits en arcade, un peu moins sur Saturn. La conversion Saturn, réalisée par CRI, a fait couler beaucoup d’encre et pas dans le bon sens du terme. Considérée comme l’une des plus mauvaises conversions de jeu d’arcade SEGA, la galette a récolté la note de 79% dans SEGA Saturn Magazine. Le gros problème du jeu est de ne pas avoir corrigé les défauts de la version alpha, alors complétée à 40%. Si les graphismes sont plutôt corrects et détaillés, on ne peut pas en dire autant du frame-rate, assez catastrophique par rapport à son homologue en arcade. Comme si cela ne suffisait pas, l’aspect du jeu est un peu “brut de pomme” avec pas mal de bugs et une technique largement perfectible. Ce qui est terriblement frustrant quand on sait que SEGA Touring Car est aussi l’une des meilleures adaptations PAL, dans le sens où il s’agit d’un 50 hertz optimisé (avec du plein écran et une vitesse identique à la version japonaise). Pour couronner le tout, il est d’une redoutable difficulté, la faute à une maniabilité particulière. Abominable à la manette, dans le sens où la jouabilité est un peu ratée, il devient très intéressant avec un pad analogique ou un volant. A l’époque, un magazine comme JOYPAD l’avait justement noté 81% avec une manette et 89% avec de l’analogique. Vous voilà prévenus ! Malheureusement, le jeu n’exploite à aucun moment les capacités réelles de la Saturn. On se demande pourquoi les développeurs n’ont pas utilisé le moteur de SEGA Rally. Pour sûr, le dernier jeu de course de SEGA sur Saturn n’a clairement pas les épaules de son aîné sur le support.

 
SEGA Touring Car reste, malgré tout, une bonne expérience. Mais si vous devez la vivre, privilégiez et de loin la version arcade.
Sources : Megaforce / SEGA Saturn Magazine #18, 25 / 
L'article est également disponible sur Joypad.fr

2 Commentaires

  1. Super article ! Par contre j'ai une autre opinion de la version Saturn qui est tout sauf un échec. Dans le Player One de l'époque il avait eu de bonnes critiques malgré le framerate qui bat de l'aile (le fun dégagé sauve tout). Perso, j'ai toujours joué à la croix, preuve qu'il est jouable. L'astuce est d'aller dans les option et d'y mettre les Mid-accel et Mid-brake sur les boutons X et Y. Oui, la version PAL est (mal ?) optimisée, elle ne vaut pas la Jap dont l'animation est bien plus stable et les véhicules non applatis...tout comme Sega Rally sur le même support.

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  2. Intéressant. J'avoue être rester assez "objectif" dans mon papier, j'ai tendance à apprécier la version Saturn, même si elle n'atteint pas le genou de la version arcade. J'avais entendu parler des réglages pour que le jeu soit jouable à la croix, il faudra que j'essaye ça à l'avenir. Ensuite, pour les données de la mouture PAL, j'ai repris les infos de SEGA Saturn Magazine, qui considère le jeu comme l'une des meilleures adaptations NTSC-PAL. Donc, là encore, ça me donne envie d'essayer ça en jap :D Pour la capture par contre, je comprends pas, ça devrait sortir du 720p sur la vidéo mais ça reste à 480p. Pourtant, la vidéo capturée chez moi m'indique bien Largeur de trame 720 et Hauteur de trame 576. Je sais pas, c'est peut être normal ^^

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