22 mai 2020

Interview de Joan Igawa : De la génération 8/16-bits à la PSP

Il y a quelques semaines de cela, nous sommes tombés, ma femme et moi, sur le film Cliffhanger. Sorte de Die Hard survolté se déroulant en pleine montagne, le long-métrage avec Stallone est très efficace et sa musique m’a d’ailleurs considérablement marqué à l’époque. Sorti en 1995, il s’agissait d’un des gros films de cette année-là et je me suis souvenu qu’il existait un jeu Cliffhanger. De nature très curieuse, je me suis alors demandé si je ne pouvais pas retrouver les développeurs de ce titre. Ma recherche m’a conduit jusqu’à Joan Igawa, animatrice pour différents studios pendant près d’une quinzaine d’années. Je lui ai proposé une interview qu’elle a gentiment accepté et qui devrait vous rappeler de nombreux souvenirs.


1 – Pouvez-vous nous dire quand tout a commencé pour vous ? Avez-vous rêvé de cette carrière étant enfant ? 


J’ai toujours voulu être artiste depuis que je suis petite. J’ai eu des ennuis à l’école car je dessinais sur mes cours. Heureusement, quand j’ai grandi, mes parents m’ont poussé à rejoindre le Art Center College of Design (Nda : une université privée située à Pasadena en Californie). Je me suis spécialisée en design graphique et j’ai voulu illustrer des livres pour enfants. À l’époque, les jeux vidéo en étaient encore à leurs balbutiements et je me souviens avoir jouer à l’Intellivision et à la NES de Nintendo, mais je n’ai jamais pensé que j’allais faire carrière dans ce domaine.

2 – Comment avez-vous rejoint Interactive Design / SEGA of America ? 


Je travaillais dans l’industrie de l’animation en tant que coloriste pour les décors de divers dessins animés à la télévision et j’adorais ce que je faisais. Cependant, c’était un travail saisonnier donc nous étions débauchés dès la fin de la saison, avant d’être à nouveau réembauché dès que la nouvelle saison recommençait – j’étais fatiguée par ce rythme saisonnier et j’ai vu une annonce publiée par le Art Center où on recherchait des artistes.

Scot Bayless, que j'ai interviewé il y a quelques années, est aussi passé par cette université.

3 – Vous souvenez-vous de votre premier jeu Mario Lemieux Hockey ? Était-ce difficile de découvrir et d’apprendre le métier ? 


Je me souviens avoir réalisé l’écran-titre. C’était la première fois que je m’essayais au pixel art avec une palette de couleurs aussi limitée.

4 – Vous êtes l’une des trois artistes ayant travaillé sur Greendog : The Beached Surfer Dude. De nos jours, c’est un jeu adoré par beaucoup de fans. Le personnage a été créé par Ric Green, un surfeur californien dont le surnom était justement Greendog. Pouvez-vous nous expliquer la genèse de ce jeu ? Les graphismes sont très jolis et colorés, quel était votre rôle sur ce titre ? Les sprites, les animations, les décors… tout est excellent ! La musique est aussi très cool. Pouvez-vous nous raconter les coulisses de Greendog ? 


Honnêtement, je ne me souviens plus beaucoup de ce que j’ai fait pour ce jeu. Je crois que j’ai fait l’animation de quelques sprites et peut-être même une partie de l’animation de Greendog.


5 – La même année, les joueurs découvrent Talespin sur Mega Drive. Quel était votre travail sur ce jeu ? Était-ce difficile de travailler avec Disney ? Avez-vous reçu des consignes (sprites, couleurs, décors) de la part de Disney ? J’ai remarqué quelque chose d’amusant, les ennemis s’accrochent au personnage comme dans Greendog. 

Nous avons dû travailler sur la quasi-totalité des aspects du jeu. J’ai réalisé le design du niveau s’inspirant de la Rome antique et dessiné le tout sur des feuilles de papier quadrillé. J’ai également conçu et animé tous les sprites des ennemis. J’ai aussi designé et créé le look de Baloo et Kit ainsi que toutes leurs animations. Il n’y avait pas de règles établies par Disney – si ce n’est que le jeu et les personnages devaient avoir le look Disney. Je me souviens avoir conçu le sprite ennemi d’une dinde qui pondait des œufs et les balançait sur Baloo et Kit. On m’a demandé de changer car c’était comme si la dinde « tuait ses propres enfants ». (Rires)



6 – En 1992, vous avez travaillé sur Darkwing Duck sur PC Engine. Vous souvenez-vous de votre travail sur cette machine ? 

Je me souviens avoir travaillé sur la fin du projet mais je ne me souviens pas exactement ce que j’ai fait. 

7 - Quels souvenirs gardez-vous de Interactive Design / SEGA of America ? L’ambiance, les collègues, les bureaux, etc. Avez-vous des anecdotes de cette époque ? 

Je m’en souviens que très peu mais c’était un endroit très créatif avec beaucoup de jeunes gens talentueux qui avaient faim et qui étaient excités de travailler dans une nouvelle industrie à l’époque. La plupart des artistes sortaient tout droit du Art Center College of Design.





8 – Quand avez-vous rejoint Malibu Interactive ?


Je me souviens que SEGA Interactive et Malibu étaient en train de faire Batman Returns pour la SEGA Saturn (Nda : il s’agit sans doute de la version MEGA-CD) et la Mega Drive. Bob Jacob, le boss de Malibu Interactive, était quelqu’un que je connaissais – j’avais l’habitude de garder ses deux fils quand j’étais au lycée. Je n’ai jamais su exactement ce qu’il faisait dans la vie, donc c’était une belle surprise quand SEGA Interactive et Malibu se sont rencontrés pour la première fois. Peu de temps après, j’ai décidé de quitter le navire pour travailler pour Malibu.

9 – In 1995, Cliffhanger était l’un des films les plus importants de l’année. Pouvez-vous nous expliquer comment s’est déroulé le développement du jeu ? Pourquoi avez-vous opté pour un beat’em up ? Avez-vous reçu des documents (sur l’histoire, les personnages, les évènements…) avant la sortie du film ? Avez-vous quelques séquences du long-métrage ? Ça devait être original de travailler sur un jeu avec Stallone. Je suppose que ce n’est pas facile de créer un sprite qui ressemble à Sly !

En tant que membre de l’équipe créative, nous réceptionnions juste les projets que Malibu obtenait – Cliffhanger était l’un d’eux. Je me souviens avoir reçu, en guise de références, de nombreuses photos des acteurs prises sur le tournage. Je me souviens aussi m’être rendu au siège de Carolco (Nda : la société de production du film) pour découvrir le film avant sa sortie. Malheureusement, je n’ai jamais rencontré Sly ou les autres acteurs.



Photo de tournage de Cliffhanger. Le making of est disponible ici.




10 – Quel était votre job sur Bonkers Wax Up sur Master System et Game Gear. Avant cela, vous avez travaillé sur des consoles 16-bits. Est-ce différent de travailler sur des systèmes 8-bits ? Il y a moins de puissance, moins de couleurs… En tout cas, le jeu était cool et bien réalisé.


Ce jeu était un jeu de commande. J’ai essentiellement conçu toutes les graphismes et les animations des personnages. Travailler sur Game Gear signifiait travailler avec une palette de couleurs très limitée et de très petits sprites. Faire en sorte qu’un groupe de pixels ressemble à un personnage de dessin animé, c’était difficile mais amusant.


11 – Avec Criticom, vous avez conçu votre premier jeu en 3D. Quelle est la genèse de ce jeu ? Vous êtes crédité en tant que CG Modeling, Animation and Rendering. En quoi consistait ce travail ? Était-ce difficile d’apprendre à développer des jeux en 3D ? Était-ce une nouvelle expérience pour vous ?


Je m’étais amusé avec la 3D à l’université et j’avais remarqué que les jeux vidéo commençaient à utiliser ce type de graphismes. Je pense que Toshinden a été l’un des tous premiers jeux en 3D à sortir sur la PlayStation de Sony. J’avais une expérience limitée de la modélisation et, pour ce projet, j’ai dû réapprendre la programmation graphique 3D ainsi que l’animation 3D. Ce fut une expérience totalement nouvelle pour moi, mais assez passionnante. Je crois que Criticom a été le premier jeu 3D sur console de Kronos – c’était excitant pour nous tous à l’époque.


12 – Que gardez-vous comme souvenirs de Dark Rift sur Nintendo 64 (à mon sens, c’est l’un des meilleurs jeux de baston de la machine) et Cardinal Syn ?

Damn, je ne me souviens pas avoir beaucoup travaillé sur Dark Rift. Je pense que c’est à ce moment-là que j’ai commencé à me concentrer sur le mappage de textures des personnages. Cardinal Syn, je me souviens, au départ, nous voulions l’appeler War Clans. Pour certains mouvements, nous avons utilisé beaucoup de motion-capture. J’ai travaillé sur l’animation, la modélisation et beaucoup de mappage de textures pour les protagonistes. 


13 – Maintenant, parlons de l’un des trésors de la PlayStation : Fear Effect (appelé Fear Factor au départ si mes informations sont correctes). J’ai beaucoup de questions à propos de ce jeu : 



FEAR EFFECT



Pouvez-nous expliquer la genèse du jeu ? 


Je crois que Stan voulait baser le jeu sur Hong-Kong, la ville où il était né. Le style futuriste provenait de son film favori : Blade Runner. Il y avait de nombreuses inspirations dans ce jeu : Akira, Ghost in the Shell, etc. 

Vous étiez lead character artist sur Fear Effect. Quel était votre ressenti à cette époque ?


John Paik est celui qui a conçu le personnage d’Hana sur papier. Comme je ne l’avais jamais fait auparavant, je voulais créer un look anime cool au modèle 3D du personnage. J’ai été beaucoup influencée par Ghost in the Shell lors de la création des textures de Hana. Malheureusement, la technologie ne permettait pas vraiment aux textures plates d’avoir des ombres convaincantes. J’ai donc dû peindre les ombres sur le visage et le corps – en simulant l’éclairage afin qu’elles aient l’air plus animées et cohérentes avec l’environnement. J’aime quand il y a du challenge et je voulais que le jeu soit unique et se démarque de tous les autres jeux à l’époque. 


Vous souvenez-vous à quel moment l’équipe a décidé d’utiliser de la Full Motion Video pour les décors du jeu ? C’était une excellente idée et le jeu est visuellement très efficace aujourd’hui. J’ai joué au jeu pendant la préparation de mes questions et ça ressemble à un film ! Le tout est très cinématographique ! C’est vraiment différent de beaucoup de jeux à l’époque. Plus mature et plus adulte. 


Il a toujours été question d’utiliser de la CG pour tout. Nous ne voulions pas que nos arrière-plans soient complètement statiques, donc on a décidé que les arrière-plans utiliseraient des animations en boucle – ce qui rendrait le tout plus réaliste. Stan voulait un jeu plus orienté vers les adultes avec une thématique mature et il poussait toujours, par rapport à ce que la technologie permettait, pour que les jeux soient aussi innovants et uniques que possible.




Quelles sont les inspirations derrière ce jeu ? Resident Evil pour le gameplay ? Blade Runner pour l’univers ? 


Oui, nous avons beaucoup joué à Resident Evil et avons été énormément influencés par ce jeu. Blade Runner, bien sûr, était une inspiration immense. Les animes comme Akira, Ghost in the Shell, Appleseed et Bubblegum Crisis/Crash ont également été de grandes influences.


Pourquoi avez-vous décidé d’avoir trois personnages jouables ? 


Le jeu vous oblige à jouer à chaque personnage en fonction de votre position dans l’histoire. C’est un jeu axé sur le récit et chaque personnage donne au joueur une approche et un point de vue différents.


FEAR EFFECT 2


Pourquoi l’équipe a décidé de créer une suite ? 


Je crois que le premier Fear Effect, en plus d’être populaire, a reçu suffisamment de succès pour créer une suite. Pendant un certain temps, certains acteurs, réalisateurs et studios de cinéma étaient intéressés pour produire un film Fear Effect mais, malheureusement, ça n’a jamais abouti.

Comme Fear Effect, Fear Effect 2 est un jeu très mature (personnages, histoire…). Quel était le feeling au sein de l’équipe à l’époque ? Était-ce un objectif d’avoir un jeu qui bouleverse les habitudes de l’industrie ? Je me souviens d’une publicité où Rain était sur le dos de Hana et cette illustration a fait pas mal jasé à l’époque. 

Stan était toujours à la recherche de personnages controversés. Quelle autre meilleure façon que de créer une controverse en ayant deux personnages lesbiens ? Encore une fois, c’était sans doute le premier dans le genre à cette époque avant que beaucoup de personnes suivent cette tendance.

D’où vient le personnage de Rain ?

Laetitia Casta a inspiré le
personnage de Rain.
Stan avait un certain look à l’esprit en créant Rain. J’avais l’habitude d’avoir des catalogues Victoria’s Secret et je les apportais pour les regarder durant nos pauses. Le mannequin Laeticia Casta avait le look que Stan recherchait.

14 - Quelle est l’histoire de la création de Fight Club ?

Après Kronos, j’ai travaillé pour un autre studio de développement qui était en train de créer l’adaptation Fight Club du film éponyme. Certains des personnages du jeu étaient des personnages de moindre importance dans le film. Pourquoi ils ont choisi Marla pour en faire un personnage jouable ? Je n’en ai aucune idée (Rires). Beaucoup d’arrière-plans étaient basés sur les emplacements du film. J’ai créé beaucoup de textures pour les arrière-plans ainsi que les textures ensanglantées pour tous les personnages. 

15 – Pour Secret Agent Clank, Ratchet & Clank : Size Matters et Jak & Daxter : The Lost Frontier, quel était votre job ? Pour Ratchet & Clank et Jak & Daxter (PSP), aviez-vous accès au code et aux éléments (modèles 3D, textures…) des jeux originaux ?

Je crois que nous avons reçu les textures originales du jeu et on devait les réduire et les reprojeter en les adaptant aux modèles avec moins de polygones de la PSP. Pour la plupart, le développeur avait des modeleurs qui créaient et modifiaient les personnages, les armes et les véhicules. Ensuite, les modèles m’étaient transmis pour que j’applique les textures. 



16 – Pourquoi avez-vous décidé de quitter l’industrie des jeux vidéo ?

Après quinze années de longues heures de travail et de réapprentissage constant des logiciels et de la technologie 3D, j’étais épuisée. Après la naissance de mon second fils, j’ai décidé de me consacrer à l’éducation de mes enfants. Je n’avais aucune énergie, ni créativité, pour prendre un crayon et dessiner. Il a fallu longtemps pour que je me remette à la création artistique. Avant de mourir, Stan a développé des jeux pour mobiles et, parfois, je créais certaines des illustrations. Après son décès, j’ai repris sa société, Atomic Bullfrog LLC, et j’ai commencé à concevoir des tee-shirts via Merch by Amazon et j’ai fondé ma propre boutique Etsy. Je fais ça depuis environ trois ans maintenant. Je jouais aux MMORPG avant d’avoir mes enfants et j’ai continué à y jouer quand ils étaient en bas âge. Maintenant, je joue occasionnellement à des puzzle games sur mobiles quand j’ai un peu de temps libre pour moi ou je joue un peu à l’Occulus Quest. C’est tellement immersif ! Je ressens une telle surcharge sensorielle que je ne suis capable de la gérer qu’une trentaine de minutes avant de fatiguer. Je constate qu’en vieillissant, je n’ai pas la patience ou l’attention nécessaire pour rester assise pendant des heures à jouer sur consoles ou PC. Par ailleurs, j’ai mal au dos et aux hanches quand je reste assise pendant de longues périodes ! 

17 – Que pensez-vous de l’industrie des jeux vidéo actuelle ? 

L’industrie des jeux vidéo a parcouru un si long chemin depuis Pong ! Je l’ai vu évoluer des jeux de console oldschool en 2D aux énormes MMORPG, des jeux mobiles décontractés à la réalité virtuelle… C’est génial et tellement immersif ! Cela a tellement évolué que ça fait partie du quotidien pour mes fils – ils l’utilisent non seulement comme divertissement, mais aussi comme moyen de communication et pour sortir avec leurs amis. Je n’aurais jamais imaginé à quel point leur génération est connectée et à quel point ils se servent de cette technologie comme élément de sociabilisation. En tant que parent, j’essaye de limiter cette utilisation, mais en tant que développeuse et joueuse, j’ai également créé ce problème. (Rires)

18 – Avez-vous des anecdotes de votre carrière ? Des moments passés avec vos collègues, des moments de joie, de la difficulté sur certains jeux, des moments étonnants, etc.

Je suis reconnaissante de cette expérience dans l’industrie. Je ne suis certainement pas la même personne que j’étais lorsque j’en faisais partie et je m’en réjouis. J’ai appris à ne pas avoir peur de dire que je me suis trompé pour ensuite prendre des responsabilités et résoudre le problème. J’ai développé un humour noir en travaillant dans une industrie largement masculine. J’étais naïve et immature à mes débuts, mais toutes ces expériences, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, ont fait celle que je suis aujourd’hui. Lorsque nous travaillions tous chez Kronos, nous avons partagé beaucoup de moments amusants, et beaucoup de mes collègues qui ont débuté leur carrière là-bas, ont réussi dans l’industrie du cinéma et de l’animation mais ils gardent toujours ce lien émotionnel avec leur passé. 

Un grand merci à Joan Igawa. Pour retrouver ses créations, n’hésitez pas à vous rendre sur le site officiel http://atomicbullfrog.com/ ou encore https://www.etsy.com/shop/AtomicBullfrog.


La page Amazon d’Atomic Bullfrog est à cette adresse : 

Interview Joan Igawa : From 8/16 bits generation to PSP !

A few weeks ago, me and my wife watched the movie Cliffhanger, a kind of "Die Hard" in the mountain. The movie is really cool and I remember that the music marked me a lot at the time. Released in 1995, the movie with Stallone was one of the blockbusters of this year and I remembered of a game Cliffhanger which was available on several consoles. I'm very curious by nature, so I tried to contact developers of this title. Joan Igawa, artist and animator for 15 years in the videogames industry, kindly accepted my interview, which should remind you a lot of memories.



1 – Could you tell us how it all started for you ? Was this career something you had always dreamed of as a child ? 

I always wanted to be an artist since I was little. I’d get in trouble at school for drawing on my school work. Luckily as I grew older, my parents encouraged me to go to Art Center College of Design. I majored in Illustration and wanted to illustrate children’s books. Back then, videogames were still in its infancy and I remember playing on the Intellivision by Coleco and the Ninendo, but I never thought I’d ever have a career in that field. 

2 – How did you join Interactive Design / SEGA of America ? 

I was working in the animation industry as a background color key artist on various cartoons for television and I loved what I was doing. The work, however, was seasonal so we’d get laid off after the season was over, then re-hired again once it started up again. I was tired of scrambling for work in-between seasons and saw an ad posted through Art Center looking for artists. 



3 – Do you remember your first game Mario Lemieux Hockey ? Could you talked about this game ? Was it hard to discover the job ? 

I remember I created the opening start screen art. It was my first time getting used to creating pixellated art with a very limited color palette. 

4 – You’re one of the three artists who worked on Greendog : The Beached Surfer Dude. Nowadays, it’s a game loved by a lot of fans. The character has been created by Ric Green, a californian surfer whose nickname was Greendog. Could you explain to us the genesis of this game ? The graphics are really colored and beautiful, what was your job on this game ? Sprites, animations, environnements, all is great ! The music is also really cool. Could you tell us the backstage of Greendog ? 

I honestly can’t remember much about what I had exactly did in that game. I believe I may have done some animated sprites and maybe some of Greendog’s animation. 

5 – The same year, players discovered Talespin on Genesis. What was your work on this game ? Was it hard to work with Disney ? Did you receive rules (sprites, colors, environnements…) from Disney ? I notice something which is funny : the ennemies cling to the character as in Greendog. 

We got to work on almost every aspect of the game. I designed the ancient Rome level and drew everything out on sheets of graph paper, designed and animated all enemy sprites. I also designed the look of Baloo and Kit including all their animation. There were no set rules by Disney—as long as the game and characters had the Disney look. I do remember designing a enemy turkey that would lay eggs and then throw them at Baloo and Kit. I was told to change it because it was as if the turkey was "killing its own child". 



6 – In 1992, you worked on Darkwing Duck on Turbografx. Do you remember your work on this machine ? 

I do remember working on the tail end of the project but I don’t remember exactly what I had done. 

7 – What memories do you have of Interactive Design / SEGA of America ? Atmosphere, colleagues, offices, etc. Have you got anecdotes from this time ? 

I remember very little, but it was a highly creative place with lots of talented, young people who were hungry and excited to be working in such a new industry at the time. Most of the artists were straight out of Art Center. 



8 - Why did you join Malibu Interactive ? 

I remember SEGA Interactive and Malibu were doing Batman Returns for Sega Saturn and Genesis together. Bob Jacob, the head of Malibu Interactive, was someone I had known previously—I used to babysit his two sons when I was in high school. I never knew exactly what he did for a living so when SEGA Interactive and Malibu met for the first time, it was a nice surprise ! Shortly afterward, I decided to jump ship and work for Malibu. 

9 – In 1995, Cliffhanger was one of the most important movies of the year. Could you explain to us how was the development of the game ? Why did you chose a beat’em up ? Did you receive documents (story, characters, situations…) before the release of the film ? Did you see a few sequences of the film ? It must have been original to work on a game with Stallone. I guess, it’s not easy to create a sprite which looks like to Sly ! 



As part of the creative team, we were just handed projects that Malibu would get—Cliffhanger being one of them. I remember getting loads of photographs taken on set of all the actors for reference. I do remember getting to go to the Carolco office and getting to watch to the movie before it was released. Unfortunately, I never got to see or meet Sly or any of the actors.



10 – What was your role on Bonkers Wax Up on Master System and Game Gear. Before that, your worked with 16-bits machines (Super Nes, Genesis), is it different to work on 8-bits systems ? Less power, less color… The game is cool and well-realized. 

That game was a contract job. I basically created all the character artwork and animations. Working on the Game Gear meant working with a very limited color palette with very small sprites. Making a bunch of pixels look like a cartoon character was challenging but fun. 



11 – With Criticom, you realized your first 3D game. What was the genesis of this game ? You’re credited as CG Modeling, Animation and Rendering. How was this job ? Was it hard to learn the developement of 3D games ? Was it a new experience for you ? 

I had played around with 3d back in college and I had started noticing that videogames were starting to utilize 3d graphics. I think Toshinden was one of the very first 3d graphics game that came out for the Sony Playstation. I had limited experience with modeling and had to re-learn the 3d graphics program and learn 3d animation for this project. It was a totally new experience for me, yet, pretty exciting. I believe Criticom was Kronos’ first console game—it was exciting for all of us back then. 

12 – What are your memories of Dark Rift on Nintendo 64 (in my sense, one of the best fighting game on N64) and Cardinal Syn ? 

Gosh I can’t remember much about working on Dark Rift. I think that’s when I started concentrating on texture mapping the characters. Cardinal Syn I remember we wanted to call it War Clans in the beginning. We used a lot of motion capture for some of the moves. I did work on some animation and modeling and a lot of character texture mapping. 



13 – Now, we can talk about one of the treasures of the PlayStation : Fear Effect (called Fear Factor at the beginning if my information is right). I’ve a lot of questions about this game :
 

FEAR EFFECT


 Could you explain to us the genesis of the game ? 

I believe Stan wanted to base the game around Hong Kong, where he was born. The futuristic style was based on his favorite movie Blade Runner. There were many influences in that game—Akira, Ghost in the Shell, etc.. 



You are lead character artist on Fear Effect. What were your feelings at the time ? Did you feel pressure ? 

John Paik was the person who designed Hana on paper. I wanted to create an cool anime look on a 3d character model which hadn’t been done before. I was influenced by Ghost in the Shell a lot while creating Hana’s textures. Unfortunately, the technology wouldn’t really allow the flat textures to have convincing shadows so I had to paint the shadows on the face and body—basically faking the lighting, so they’d look more anime and convincing in their environment. I always love a challenge and I wanted the game to look unique and standout against all the other games that were out there at the time.



Do you remember when the team decided to use CG for the sceneries of the game ? It was a great idea and the game is visually very efficient today. I played the game during the preparation of my questions and it’s like a movie ! Very cinematographic ! Really different from a lot of games at the time. More mature, more adult. 

It was always planned to use CG for everything. We didn’t want the backgrounds to be completely static—so things in the background would loop, making it more realistic. Stan wanted a more adult oriented game with a mature theme and he was always pushing towards developing the most innovative and the most unique games that the technology could allow. 

What are the inspirations of the game ? Resident Evil for the style ? Blade Runner for the universe ? 

Yes, we played a lot of Resident Evil and was influenced by that game a lot. Blade Runner for sure was a huge inspiration. Anime like Akira, Ghost in the Shell, Appleseed, and Bubblegum Crisis/Crash were also big influences. 


How did you create the characters ? Again today, they are really cool and charismatics. 

I looked at a lot of my favorite anime movies like Akira and Ghost in Shell. 


Why did you decide to have three playable characters ? 

The game forces you to play each character depending on where you are in the story. It’s a very story driven game and each character gives the player a different playing style and a different point of view. 



FEAR EFFECT 2 


Why did the team decide to create a sequel ? 

I believe the first Fear Effect had enough popularity and success to create a sequel. For awhile, some actors, directors and movie studios were interested in producing a Fear Effect movie, but sadly, it never happened. 


As Fear Effect, Fear Effect 2 is a very mature game (characters, story…). What was the feeling of the team at the time ? Was it a goal to have a game which change the habits of the industry ? I remember an advertising where Rain is on the back of Hana and I remember that this artwork made talk at the time. 

Stan was always looking for controversy in his characters. What better way of creating controversy than to have both characters be lesbians ? Again, it seemed the first of its kind back then, plus, a lot of guys dig that kind of thing. 



What are the inspirations of the team for the creation of Rain ? 

Stan had a certain look in mind when he created Rain. I used to get Victoria’s Secret catalogs and bring them to work to look through them on breaks. The model Laetita Casta had that look that Stan was looking for. 



14 – Could you tell us the story behind the game Fight Club ? 

After Kronos, I worked at another game development company who was creating Fight Club based off the movie. Some of the characters in the game were incidental characters in the film. Why they picked Marla as a playable character to fight I have no idea. Alot of the backgrounds were based on the locations in the game. I created a lot of textures for backgrounds and the bloody textures for all the characters. 

15 – For Secret Agent Clank, Ratchet & Clank : Size Matters and Jax & Daxter : The Lost Frontier, what was your role ? For Ratchet & Clank and Jax & Daxter, did you have the code and elements (3D model, textures…) of the original games ? 

I believe I did receive some original textures from the game and had to reduce then re-project them onto lower poly models for the PSP. For the most part, the developer had modelers who built or modified the characters, weapons and vehicles, then the models were passed to me for texturing. 



16 – Why did you decide to leave the videogames industry ? 

After 15 years of working long hours as well as constantly keeping up 3d software updates and technology, I got burned out. After the birth of my second son, I decided to focus on raising my children. I had no energy or the creativity to pick up a pencil and sketch. It took a long time to get back into art. Before Stan died, he developed mobile games and sometimes I’d create some of the artwork. After he died, I took over his company, Atomic Bullfrog LLC and started designing t-shirts through Amazon’s Merch by Amazon as well as starting my own Etsy shop. I’ve been doing that for about 3 years now. I used to play MMORPG’s before kids and continued playing them while they were younger. Now I casually play puzzle games on the cellphone when I have some free time to myself or I’ll play a little bit on the Occulus Quest—which is so immersive. I do get sensory overload from it and I can only handle about 30 minutes before I start to get tired. I find that as I get older, I don’t have the patience or the attention span to sit for hours playing console games or PC games. Also sitting down for long periods of time is painful on my back and hips ! 



17 – What do you think of the actual videogames industry ? 

The videogames industry has come such a long way from Pong ! I’ve seen it evolve from the old school 2d pixel console games to huge MMORPG’s to casual cellphone games to virtual reality, which is so awesome—it’s so immersive. It’s evolved so much now that it’s a social thing for my sons—they use it not only as entertainment, but as a way to talk and hang out with their friends. I would have never imagined how connected their generation is and how much they rely on this technology for socialization. I am trying as a parent to curb their use, but as a developer and gamer, I’ve also created the problem. 

18 – Do you have anecdotes of your career ? Moments with colleagues, moments of joy, difficulties with a few games, amazing moments, etc. 

I am grateful that I had the experience of working this industry. I am certainly not the same person I was when I was in it and I’m glad of it. I have learned to not be afraid to asay that I messed up and take responsibility, then try to fix it. I developed a dark sense of humor from working in a male dominated industry. I was naive and quite immature in my early days—but all those experiences, good and bad, have shaped me what I am today . When we were all working at Kronos, we had a lot of fun times and I know a lot of my colleagues that started their careers there are now very successful in the movie industry and animation industry, still look back fondly at their time there. 

Thank you so much Mrs. Igawa !

Many thanks to Joan Igawa. You can find her creations on the official website of Atomic Bullfrog : http://atomicbullfrog.com or http://www.etsy.com/shop/AtomicBullfrog

17 mai 2020

Interview Lorne Lanning - Munch's Oddysee

Dans le cadre du test de Munch's Oddysee sur Nintendo Switch pour le site Jeuxvideo.com, j'ai envoyé quelques questions à Lorne Lanning, co-créateur de la licence avec Sherry McKenna. Il y a quelques années, j'ai pu l'interviewer pour un dossier du mook Pix'n Love consacré à Abe et j'ai, bien évidemment, conservé son adresse e-mail. Comme l'intégralité de l'interview ne pouvait être intégrée à mon article, je me suis permis de la traduire pour vous la présenter sur Terre de Jeux. Fidèle à lui-même, Lorne Lanning est toujours aussi inspirant et j'espère que j'aurai la possibilité, pour un futur dossier, de le contacter à nouveau. 

Le test de Munch's Oddysee (version Switch)  avec la folle histoire du trailer PS2  est à découvrir sur Jeuxvideo.com : 



Et voilà l'interview

1 / Pouvez-vous nous parler de la genèse de Munch’s Oddysee ?
Comme avec tous les jeux Oddworld, nous voulions que nos jeux soient des aventures teintées de dilemmes sous-jacents philosophiques faisant écho à nos perceptions sociales et la difficulté de notre monde. Tout comme l’art, les jeux vidéo peuvent véhiculer des idées stimulantes et être le catalyseur du changement de nos propres vies, un moyen pour aider les joueurs à se connecter aux ironies de leur (notre) monde réel – en espérant que cette connexion et cette contemplation aillent au-delà de l’expérience de jeu.
Pour Munch, nous voulions que les joueurs aient cette sensation d’être les derniers de leur espèce. Pour imager la chose et leur montrer à quel point la situation serait désespérée, l’avenir d’une espèce entière dépendrait d’un nouvel héros improbable, en voie de disparition et suspendu en bas de la chaîne alimentaire, qui suivrait la tradition d'Abe tout en jouant avec nos émotions au travers d'une aventure à la fois brutale et hilarante.
2 / Vous vous souvenez de la collaboration avec Microsoft ? Munch’s Oddysee est un jeu exclusif à la Xbox. Pourquoi avez-vous choisi cette machine ?
C’était une période difficile et la création de jeux devenait hors de prix. La Xbox avait la promesse de réaliser de meilleurs jeux avec des coûts de production amoindris, tout en fournissant des environnements de développement accessibles. La Xbox était une nouvelle console et Microsoft avait besoin de jeux. Nous avions subi un changement d’éditeur (suite à une histoire de ventes et de fusions) et c’était le bon moment pour changer d'éditeur et grimper dans le wagon d'un groupe passionnant qui était, aussi pour nous, un plan de survie.
Peu de temps après être arrivés chez Microsoft, les deux éditeurs que nous avions quittés avaient disparu ou fonctionnaient de manière sporadique. Cela s’est donc avéré une bonne décision à l’époque.
La Xbox avait tout d'un atterrissage en douceur car nous aurions pu faire faillite ou être écartelés, comme tant d’autres développeurs, par la pression des rachats, des budgets, des plannings imprévisibles et d’autres problèmes qui tourmentaient les boites indé à ce moment-là. Si tu te souviens bien, à cette époque, les changements étaient si nombreux que les studios de petite et moyenne taille se faisaient mâcher et on les recrachait. Cette transition de génération de consoles était difficile pour les développeurs et beaucoup de studios n’y sont pas parvenus ou ont dû être rachetés pour survivre. En faisant le point, tous ces éléments ont été pris en compte dans l'offre d'exclusivité que proposait la Xbox. 
C’était aussi une période passionnante et l’équipe de Microsoft était un groupe plein d’énergie et chargé d’une mission audacieuse. Ils se battaient dur pour faire de la console un succès et ils étaient si solidaires que c’est rare de voir des gens aussi intelligents et talentueux – avec une telle rage de vaincre – dans une grande entreprise. Vraiment, c’était exaltant d’être impliqué dans cet effort collectif pour le lancement.
3 / Pouvez-vous nous parler de la création de Munch, le second personnage jouable qui accompagne Abe ?
Nous voulions un personnage qui soit capable de nager afin de compléter l’agilité plus terrestre d’Abe. On obtenait donc un équilibre des pouvoirs. Abe était à l’aise sur le sol face à un Munch plus vif dans l’eau. Abe disposait de pouvoirs surnaturels, comme le fait de prendre le contrôle des ennemis, alors que Munch pouvait utiliser son implant électronique (qu’on lui a greffé dans le crâne au centre de recherche de tests sur animaux – l’endroit où on découvre le personnage) pour piloter des armes ou des machines robotisées. Par ailleurs, Abe avait ses disciples Mudodon qu’il pouvait rassembler et faire combattre tandis que Munch (qui était auparavant un rat de laboratoire) se grimait en sauveur de varmits (comme les Fuzzles) qui étaient sous ses ordres et qu’il pouvait également utiliser pour combattre les ennemis.   
Ainsi, le fait d’intervertir entre les deux personnages sont des décisions régulières que le joueur doit prendre et qui leur confère un intérêt comparable mais avec des pouvoirs différents.
On voulait aussi que Munch ait l’air extrêmement vulnérable tout en restant adorable. L’ambiance est posée dans la cinématique d’intro lorsqu’on entend l’histoire de Munch et qu’on découvre comment, en tant que dernier membre de son espèce, il s’est retrouvé dans ce bordel après avoir été trompé et capturé par une société Big Pharma qui compte l’utiliser comme cobaye dans le cadre de stupides produits de consommation. Nous voulions que le joueur soutienne cette grande cause du "petit qui se bat contre des géants".
L’animation de Munch a été calquée sur la façon dont se meuvent les petits oiseaux lorsqu’ils sautillent. Ils paraissent adorables dans leur manière de se déplacer, d’émettre des bruits et on y a ajouté le dilemme d’une créature naïvement TRÈS solitaire qui ne trouve pourtant aucun de ses congénères. Il ne comprend pas nécessairement qu’il est le tout dernier de son espèce mais nous jouons avec les émotions à travers cette courte histoire et à mesure que se dessine la vérité dans le jeu…   Jusqu’à ce qu’il décide de ce qu’il doit faire, même si son espèce a disparu à jamais.   
4 / Avez-vous des anecdotes de conception, sur l’équipe ou quelque chose d’autre ?  
Nous avions sorti l’Odyssée d’Abe et l’Exode d’Abe en 2D mais il était temps d’immerger la licence dans un univers en 3D, ce qui nous permettrait de créer des mondes avec de la profondeur et des détails supplémentaires… tout en profitant, bien sûr, de toute cette omnipotence de la 3D dans les ventes de nouvelles machines. En tant que conteurs d’histoires virtuelles, nous étions excités par l’utilisation d'une 3D au service de l’immersion narrative. L’industrie avait, avec toute son agressivité, répondu aux sirènes de la 3D et, pour une question de cohérence, nous devions en faire de même. Passer à la 3D a été difficile et ce fut un développement délicat avec des gens qui ont travaillé extrêmement dur, en passant par des moments difficiles, mais il était temps pour nous de surmonter ce défi.
5 / Désormais, le jeu est disponible sur Nintendo Switch. Qu’avez-vous à nous dire à propos de cette version ? Quelles étaient vos intentions en effectuant le portage sur cette console ?   
Nombreux sont nos fans à être des fans de la Nintendo Switch. Et avec le succès de la console, nous avons reçu des demandes de nos fans pour porter nos classiques sur cette plate-forme. Ce qui fait que Munch’s Oddysee est aujourd’hui le deuxième des trois jeux que nous avons prévu de publier sur Switch cette année, le premier étant La fureur de l’Étranger. Et nous annoncerons un troisième classique plus tard cette année sur Switch.
Un grand merci à Lorne Lanning pour avoir pris le temps de répondre à mes questions. 

16 mai 2020

Final Fantasy VII Remake : Nostalgie éveillée

E3 2015. Alors que la conférence de Sony bat son plein, deux annonces, coup sur coup, vont faire trembler la salle et faire hurler de plaisir des milliers d’observateurs. En parallèle de Shenmue III, Square-Enix dévoile l’un de ses futurs projets : Final Fantasy VII Remake. Malgré l’attente qui s’annonce, tous rêvent de retrouver Midgar, Cloud, Tifa ou encore Aeris. Septième épisode d’une série à succès, l’œuvre parue en 1997 conserve une aura unique par la portée qu’elle représente en occident. C’est véritablement ce titre qui a démocratisé le J-RPG dans nos contrées et ce n’est pas un hasard si les fans réclamaient, à cor et à cri, une remastérisation de cet incontournable de l’ère PlayStation. On se souvient ainsi des réactions totalement hilarantes – et logiques – des journalistes de GT Live, certains n’en revenant toujours pas à mesure que défile le trailer. 2015. Cela paraît proche et ça fait pourtant cinq années que s’est déroulée cette cérémonie historique. Entre temps, beaucoup de choses se sont passées en interne et on a appris que le jeu serait en format épisodique. Final Fantasy VII Remake, tant rêvé, est désormais disponible et on a pris le temps de le déguster et de la savourer. Bordel… quelle claque !
Avant toute chose, il est indispensable de prendre ce remake pour ce qu’il est, c’est-à-dire une relecture moderne de l’épisode original comportant un nouveau gameplay et des évènements inédits. Final Fantasy VII a désormais plus de vingt ans et il est le témoin d’une génération 32-bits qui devait se limiter à des expériences en couloirs et une myriade de petites zones fermées et reliées les unes aux autres. En ce sens, Final Fantasy VII Remake reste fidèle à son héritage en proposant des environnements plus ouverts mais avec une progression assez linéaire. Si ça ne vous fait peur, vous pouvez poursuivre la lecture de ce texte.


Avalanche émotionnelle

Si vous avez touché au jeu PlayStation, encore plus à la fin des années 1990, il est tout simplement impossible de ne pas avoir de frissons en découvrant l’introduction du remake. Alors qu’un aigle survole une terre aride, le joueur pénètre avec le rapace dans la cité de Midgar où y est dépeint une vie agréable avec des habitants qui vaquent à leurs occupations et des enfants qui jouent ou font du vélo. Pourtant, très vite, l’aspect extrêmement industriel de la mégapole prend le dessus et révèle des tons ocres, des bâtiments rouillés et une végétation agonisante. Puis, le réacteur apparaît et la mako s’élève, majestueuse et menaçante. S’ensuit un travelling physique qui s’éloigne d’Aeris pour donner un aperçu global de la ville avant que se dessine le logo emblématique. La caméra effectue un zoom rapide sur un train qui fonce à toute allure vers la gare la plus proche avant que le joueur ne prenne la manette. L’avalanche émotionnelle a eu lieu mais le frisson, lui, ne fait que commencer.


Un gameplay revisité

En 1997, les personnages de Final Fantasy VII n’étaient que des amas de polygone grossiers et les revoir en 2020 fout une véritable tarte. Lorsque le groupe écoterroriste s’extirpe du train avec Barret et qu’on découvre le nouveau Cloud, il y a de quoi rester scotché. Comme il y a deux décennies, toute la première section au sein du réacteur fait office de tutorial. On le savait : Square-Enix avait l’intention de revoir entièrement le gameplay et ils n’ont pas menti. Proches d’un système à la Xenoblade Chronicles, les combats utilisent le principe de l’ancestrale jauge d’ATB, l’Active Time Battle qui détermine l’ordre dans lequel les personnages exécutent leurs actions. Mais désormais, il est possible de se déplacer en toute liberté autour des ennemis et de changer, en temps réel, de protagoniste afin de s’adapter aux forces et faiblesses des adversaires. Barret, avec sa mitrailleuse, peut viser les cibles en hauteur et peut détruire plus facilement les tourelles de défense. Durant les rixes, le joueur peut, à tout moment, ouvrir un menu de commandes afin d’accéder aux compétences, aux sorts, aux objets, aux techniques dites de transcendance – sorte de furie dévastatrice – ou encore aux invocations si emblématiques de la série. Cela demande une petite gymnastique pour maîtriser l’ensemble au départ mais on s’y fait vite, d’autant que les développeurs ont eu la bonne idée d’intégrer des raccourcis sur les touches (ce qui évite d’ouvrir constamment le menu de commandes).


En dehors des achats liés à l’équipement, le jeu multiplie les clins d’œil au passé en mettant en avant le concept des Matérias qui confère de nouvelles aptitudes. C’est notamment grâce à elles qu’on accède à de nouveaux sorts ou encore aux invocations. On y trouve également une arborescence – avec un look spatial bien fichu – qui améliore l’arsenal à disposition. Attaque, défense, résistance, magie, soin… Final Fantasy VII Remake ne s’encombre pas de menu mais propose néanmoins un système très profond, qui offre de larges possibilités.  À l’époque, on avait parfois tendance à pester sur la redondance des combats. Aujourd’hui, ces derniers sont si dynamiques et bien pensés que ça passe crème, même quand il faut se farcir plusieurs escadrons de soldats. Dans ces conditions, on est bien content d’avoir une « jauge de Choc » qui s’enclenche lorsque la cible subit un nombre important de dégâts. Elle est alors sonnée et ne peut plus réagir pendant un certain laps de temps. Pratique !


Cloud plus vivant que jamais

Avec quelques polygones, il n’est pas simple de retranscrire une émotion. Désormais, Cloud et ses partenaires peuvent transmettre la moindre de leurs attitudes et le bidonville du secteur 5 n’a jamais été aussi réaliste. On y découvre le monde « d’en bas » avec toutes les difficultés que vit la population au quotidien. Midgar, c’est un peu le Zalem du manga Gunnm, à la différence que Midgar reste plus accessible. La disparité sociale est mise en avant de manière remarquable et le jeu, dans son ensemble, est absolument superbe. Il est vrai que certaines textures peuvent paraître un peu faiblardes mais le niveau de détails, la qualité de la direction artistiques et le niveau de la modélisation fait qu’on s’en accommode très vite. Au-delà de la partie environnementale, c’est assurément les différentes mimiques des personnages, Cloud en tête, qui font mouche. Dans l’original, on sent bien qu’il est particulièrement associable et que son passé pèse sur ce qu’il est devenu mais, là, cette impression est tout simplement décuplée. Par moments, c’est même une véritable « tête-à-claques » ! Cette distanciation sociale (on est plein dedans au moment où j’écris ces lignes) s’estompe à mesure qu’il évolue et se lie d’amitié avec chacun des personnages de l’aventure. Mieux, Final Fantasy VII Remake a la bonne idée de redonner un peu de poids à des protagonistes qui sont très effacés dans le jeu de 1997. C’est toute cette osmose qui fait de Final Fantasy VII Remake un titre qu’il ne faut absolument pas manquer cette année, et encore moins si vous avez aimé ou adoré l’original. Et nous n’avons même pas encore parlé des musiques mais elles sont tout simplement fabuleuses, entièrement réorchestrées et vous ramèneront des années en arrière. Du côté des voix, le doublage français est particulièrement réussi – même si certains pourront trouver l’intonation parfois un peu exagérée de certains protagonistes. Bref, si ce n’est pas déjà fait, laissez-vous tenter par cette plongée au cœur de Midgar, il y a de fortes chances que vous n’en ressortiez pas indemnes. Un peu comme nous autres il y a vingt ans.


VERDICT DU RÉDACTEUR : EXCEPTIONNEL

À l’inverse de Shenmue III qui, pour certains, s’est révélé une douche froide, Final Fantasy VII Remake ne déçoit pas. Évidemment, le budget et la taille de l’équipe n’ont strictement rien à voir entre les deux titres mais on parle surtout du lien qui les unit depuis l’E3 2015 et leur annonce retentissante. Square-Enix est parvenu à ne pas froisser les fans, tout en proposant une relecture de l’original avec les changements que cela incombe.  Graphiquement extraordinaire et doté d’une direction artistique très réussie, FF VII Remake est, à notre sens, l’un des meilleurs jeux de la machine et mérite cet engouement. Il est d’ailleurs d’une telle qualité qu’on en vient à espérer des remakes aussi solides de licences ayant marqué le média jeu vidéo. Si, un jour, on nous avait dit qu’on allait incarner un Cloud aussi humain, on ne l’aurait sans doute jamais cru. Maintenant qu’il est de retour, autant en profiter… et pour longtemps !


Points forts :
  • Visuellement somptueux
  • Les musiques et le ton du doublage
  • L’excellence du gameplay
  • Cloud et ses compères plus vivants que jamais
  • La distanciation sociale entre Midgar et le bidonville
  • Ce scénario si touchant
  • Le mythe revisité et sublimé
  • Des personnages plus profonds
Points faibles :
  • Certains passages traînent en longueur
  • L’aspect linéaire et en couloirs hérité de l’original
  • Maintenant, il faut attendre la suite…
Éditeur : Square-Enix – Développeur : Square-Enix – Genre : A-RPG – Date de sortie : 10 avril 2020 – Plateforme : PlayStation 4

14 mai 2020

Interview de Kats Sato : De SEGA Japon à l'Europe




Kats Sato
Katsuhisa Sato, dit Kats Sato, est un artiste qui a débuté au Japon au siège de SEGA avant de gravir plusieurs échelons qui l'ont amené au poste de producteur chez SEGA Europe. Créateur de la licence Clockwork Knight sur Saturn, il a joué également un rôle très important dans la collaboration entre SEGA et le studio Traveller's Tales, à l'origine de Sonic 3D ou encore Sonic R. Ce n'est pas un secret, j'ai un attachement particulier à ces titres et c'est, en partie, pour cette raison que j'ai décidé de prendre contact avec ce monsieur. Comme bien souvent, j'y ai découvert une personne d'une incroyable gentillesse et qui a pris le temps de répondre à mes nombreuses questions sans aucune langue de bois. Je vais d'ailleurs le recontacter incessamment sous peu pour préparer quelque chose pour les Éditions Pix'n Love mais... chut, j'en ai déjà trop dit. Kats Sato m'a répondu juste avant son départ de Sumo Digital en Angleterre et il vient de rejoindre, après de longues années, son Japon natal. En lui souhaitant un excellent retour aux sources, je le remercie pour cet entretien passionnant. Bonne lecture !

1 – Pouvez-vous nous raconter comment tout a démarré pour vous ? 

Six mois avant d’obtenir mon diplôme universitaire aux États-Unis, j’ai participé à une session d’entretiens d’embauche pour des entreprises japonaises. SEGA était l’une des sociétés participantes et, honnêtement, elle n’était pas mon premier choix car je n’étais pas un garçon qui jouait beaucoup aux jeux vidéo. Lors des entretiens, de nombreuses entreprises japonaises ne se souciaient que de mon niveau d’anglais et n’étaient pas intéressées par ce que j’avais appris à l’université. Cependant, SEGA avait de l’intérêt pour mes compétences artistiques et ils m’ont raconté le processus du développement d’un jeu vidéo. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi SEGA. 

2 – Quand avez-vous commencé à travailler pour SEGA ? Vous souvenez-vous de votre entretien d’embauche ? 

Au début des années 1990, il était très rare que SEGA embauche une personne étudiant à l’étranger dans un département de développement. Par conséquent, j’ai été affecté à la division AM, qui possédait la technologie la plus avancée à l’époque. J’ai travaillé en tant qu’artiste à l’aide d’outils développés par SEGA que je n’avais jamais vus aux États-Unis. 

Le Digitizer System, ici dans sa version III, est un outil-maison que SEGA a développé pour ses graphistes.

3 – Quelles étaient vos relations avec Hayao Nakayama ? Il est connu pour avoir un tempérament strict mais plusieurs développeurs japonais m’ont dit qu’il était très gentil, intéressé par les nouvelles technologies et très proche de ses équipes. Quels souvenirs avez-vous de lui ? 

La première fois que j’ai rencontré Mr. Nakayama directement, c’était lors de la réunion de présentation du concept des jeux-maison pendant ma première année. Il était très strict mais il était assez gentil avec les créateurs. Il était très ouvert aux nouvelles idées et prenait des décisions rapidement, donc beaucoup des jeux exceptionnels de SEGA ont été développés à cette époque. 

4 – Quel a été votre rôle pendant votre carrière chez SEGA Japon ? 

Après avoir rejoint l’entreprise, j’ai travaillé pendant deux ans en tant qu’artiste pour le département AM1 et j’ai notamment dessiné les graphismes d’OutRunners, de Golden Axe et d’autres titres. Pendant ce temps, j’ai pu soumettre diverses idées de jeux et les résultats furent positifs. J’ai alors été muté au département CS en tant que game designer pour le lancement de la SEGA Saturn. 

5 – Quels souvenirs gardez-vous de SEGA au Japon ? L’ambiance générale, les collègues, les bureaux… Vous souvenez-vous de l’organisation au sein de SEGA Japon ? Était-ce une configuration en open-spaces ? 

Au cours de mes cinq premières années, j’ai travaillé très dur en séjournant 20 jours par mois dans les bureaux et en effectuant 16 heures par jour de travail. Mais je n’étais pas le seul à travailler aussi dur. La plupart des jeunes employés travaillaient aussi très dur. 

6 – Vous souvenez-vous de la création de Golden Axe et OutRunners ? Avez-vous travaillé avec Makoto Uchida (créateur de Golden Axe) et Yu Suzuki ? 

J’ai vraiment apprécié mon job dans le département AM. Mes supérieurs m’ont seulement enseigné les bases et je devais ensuite apprendre à réaliser mon travail par moi-même. M. Uchida a été très gentil avec moi. Il a accepté plusieurs de mes suggestions pour le jeu d’arcade Golden Axe. Sinon, quand j’étais au Japon, je n’ai pas travaillé avec Mr. Suzuki car nous n’étions pas dans la même section. Cependant, j’avais appris que Mr. Yu Suzuki avait le même passe-temps que moi qui était le billard américain et on jouait ensemble quasiment chaque semaine. 

7 – Maintenant, parlons un peu de Clockwork Knight 1 & 2. Si mes informations sont exactes, vous étiez game designer et character designer pour ces deux jeux. Pouvez-vous nous expliquer la genèse du projet ? L’atmosphère et les personnages étaient uniques et les graphismes étaient impressionnants à l’époque. 

Lorsque SEGA a lancé la Saturn, la Sonic Team était occupée à concevoir des jeux pour la Mega Drive qui était populaire en dehors du Japon. Par conséquent, SEGA voulait un nouveau jeu d’action pour le lancement de la Saturn et a mis en place une compétition en interne. Clockwork Knight était mon idée et consistait en un jeu d’action/plateforme 2D mâtiné d’éléments en 3D. Ce concept a été approuvé par la réunion des membres du conseil d’administration, dont faisaient partie Mr. Nakayama et M. Naka (co-créateur de Sonic). 



8 – Après cela, vous avez travaillé sur l’un de mes jeux préférés sur SEGA Saturn : Sonic R. Quelles étaient vos relations entre SEGA et Traveller’s Tales ? Sonic 3D et Sonic R sont de très bons jeux ! Pourriez-vous nous parler de ces projets ? Ressentiez-vous une certaine pression sur vos épaules à l’époque ? 

Si ma mémoire est bonne, c’est Mr. Naka qui est devenu fan du travail de Traveller’s Tales en découvrant la version Mega Drive de Toy Story et l’équipe de SEGA Overseas (une division spécialisée dans les jeux à destination de l’occident) a approché le studio pour développer un nouveau jeu Sonic sur Mega Drive. J’ai été impliqué dans le projet Sonic 3D dès le départ mais toutes les négociations commerciales avaient été réglées en amont. Sur ce projet, il y avait trois level designers, dont Mr. Yasuhara (level designer de Sonic the Hedgehog) et Mr. Iizuka (qui dirige aujourd’hui la Sonic Team). D’abord, ils ont dessiné les plans des niveaux depuis le studio japonais et j’ai donné ensuite la marche à suivre pour le développement à Traveller’s Tales. Internet et les e-mails n’étaient pas démocratisés à l’époque, si bien que je devais passer des appels internationaux onéreux, depuis le Japon, pour faire le suivi du game design. Lors de la dernière ligne droite, ces game designers sont partis en Angleterre et se sont installés, pendant plus de deux mois, dans un hôtel à proximité de Traveller’s Tales pour finaliser le projet. Les designers japonais ont créé la base du game design mais je parlais souvent avec Jon Burton (responsable du studio Traveller’s Tales) et je décidais d’idées spécifiques pour le Royaume-Uni. Jon était très créatif et nous a aidé à créer un grand jeu. 

Avant de terminer Sonic 3D, SEGA a estimé qu’il fallait garder Traveller’s Tales pour le prochain projet lié à la licence Sonic. L’idée de Sonic R est venue rapidement et on a décidé de poursuivre notre collaboration avec Traveller’s Tales pour ce nouveau projet. Jon s’est marié pendant la conception du jeu et on était en si bons termes qu’il m’a invité à son mariage. Néanmoins, tout ne s’est pas bien passé durant le développement. Certaines demandes provenant du Japon ont dû être rejetées et j’ai eu une conversation assez houleuse avec Mr. Naka. En réponse, j’ai choisi de ne pas mettre mon nom au générique du jeu.



9 – Après plusieurs années chez SEGA au Japon, vous devenez Producteur Exécutif et Directeur du développement produit au sein de SEGA Europe. Était-ce une décision personnelle ? Quel était votre état d’esprit à l’époque ? 

Non, il ne s’agissait pas de ma décision. Avant d’être muté à SEGA Europe, SEGA avait déjà négocié la création d’un nouveau jeu Sonic avec Traveller’s Tales. Dans le même temps, SEGA Europe a demandé l’apport d’un producteur de SEGA Japon maîtrisant l’anglais et le japonais. Quelques personnes ont répondu à cette proposition et j’ai été choisi parmi elles. 

10 – Pouvez-vous décrire votre rôle au sein de SEGA Europe ? 

Comme mentionné auparavant, lors des premières années, j’étais rattaché au développement de jeux Sonic en tant que producteur. Après les projets Sonic, j’étais charge du développement de différents titres de lancement pour la Dreamcast en tant que responsable du département de production. 

11 – Quelle était la différence entre SEGA au Japon et SEGA en Europe ? 

Il n’y avait pas beaucoup de différences chez SEGA Europe à l’époque car les employés japonais recevaient les instructions de SEGA Japon. L’Europe et l’Amérique du Nord étant des marchés très importants, SEGA a contacté activement les studios européens pour créer des jeux. Il y avait d’ailleurs de meilleurs studios en Europe qu’en Amérique du Nord. 

12 – En tant que producteur, qu’avez-vous ressenti à l’époque de la Saturn puis celle, ensuite, de la Dreamcast ? 

Honnêtement, en tant que producteur de SEGA Japon, nous n’avons pas trouvé que la Saturn ait été une grande réussite. Au Japon, la Mega Drive n’a pas rencontré le succès, si bien que SEGA Japon s’est précipité pour sortir la Saturn. Mais, pour être honnête, la Mega Drive se vendait toujours bien en Europe à cette époque. Pour la Dreamcast, SEGA a lancé une campagne promotionnelle massive dans le monde. Tout le monde, chez SEGA, était tellement enthousiasmé par le lancement de la Dreamcast à l’époque…



13 – Quel était votre relation avec Kazutoshi Miyake ? 

Mr. Miyake était alors PDG de SEGA Europe. Il travaillait pour une société commerciale japonaise dont il avait plus une connaissance du business que du développement de jeux, ce qui m’a été très profitable. 

14 – Vous souvenez-vous de la fin de la Dreamcast ? À l’époque, cela a été vécu comme un tremblement de terre pour les fans de SEGA. Comment était l’ambiance au sein de SEGA Europe durant cette période ? Quelle était votre position vis-à-vis de cette décision ? Vous souvenez-vous pourquoi une telle décision a été prise ? 

SEGA a toujours adopté de nouvelles technologies. La Dreamcast a également introduit le concept des jeux en ligne dans le monde entier mais, à l’époque, c’était un peu trop tôt. De plus, nous avons utilisé la technologie du GD-ROM pour stocker de grandes quantités de données et empêcher le piratage mais une faille de sécurité a été trouvée. Un jeu piraté est apparu et la PlayStation 2, capable de lire les DVD, a été lancée sur le marché. Bien sûr, cela n’est qu’une partie des raisons de la fin de production de la console mais la production de machines, en interne, implique un risque considérable. En vérité, l’ambiance de SEGA Europe n’était pas si mauvaise. Comme vous le savez, l’équipe de développement a été immédiatement impliquée dans le développement de titres PS2 et a rapidement réalisé des portages de jeux Dreamcast. Nous étions donc très occupés après la fin de la Dreamcast. 

15 – Après une longue carrière en Europe, vous êtes devenu Producteur Exécutif pour SEGA Japon. Avant de rejoindre Atari, comment se sont déroulées ces dernières années au sein de SEGA ? Quels souvenirs gardez-vous de cette période ? 

J’ai été affecté au département « Hensei » qui organise et dirige la création de jeux à moyen et long terme chez SEGA. Je supervisais les réunions avec Mr. Sugino, Mr. Nagoshi et Mr. Naka pour discuter des titres individuels de chaque équipe. Lors de ces réunions, nous discutions du développement interne de SEGA ainsi que des jeux des développeurs tiers amenés à être proposés en titres de lancement. C’était très fun. 

16 – Avez-vous des anecdotes étonnantes ou drôles de votre carrière chez SEGA ? Création de jeux, ambiance, collègues, art de vivre européen ou japonais… 

Les célébrités. J’ai rencontré plusieurs célébrités quand je travaillais pour SEGA : Ayrton Senna, George Lucas, John Woo et Michael Jackson. Senna est venu au Japon au siège de SEGA et a donné des indications de pilotage aux développeurs. Pour George Lucas, je me suis juste joint à une discussion et je lui ai présenté brièvement le business de SEGA. Sinon, avec plusieurs créateurs japonais, nous nous rendus au bureau de John Woo afin de discuter de projets potentiels. Quant à Michael Jackson, je n’étais là que depuis deux ans chez SEGA et j’ai été choisi pour lui présente quelques jeux d’arcade au siège de SEGA. À cette époque, il n’y avait pas beaucoup de créateurs qui parlaient anglais à SEGA Japon. Mais il y avait des gens, chez SEGA, qui avaient rencontré encore plus de célébrités que moi. Par exemple, Mr. Naka a été invité au Neverland de Michael Jackson aux États-Unis. 

17 – Au cours de votre carrière chez SEGA, avez-vous vu des prototypes ? Comme la Jupiter, la Pluto, etc. Si tel est le cas, quelles étaient ces consoles ? 

Comme vous le savez, cela était géré par le département hardware de SEGA au Japon. Je crois que j’ai vu la Pluto mais je ne me souviens plus très bien… 

18 – Je ne sais pas si vous pourrez répondre à cette question, mais pourriez-vous nous parler des relations entre SEGA Japon et SEGA of America ? En Europe et aux États-Unis, des légendes urbaines circulent sur la confrontation entre SOA et SOJ. Que pensez-vous de ces histoires ? 

Pour être honnête, SEGA Japon et SEGA of America n’ont pas été en mesure de coopérer en matière de business. SEGA of America avait son grand marché d’Amérique du Nord mais il ne pouvait pas bien contrôler le business du développement interne et externe des produits.



19 – Pouvez-vous nous donner votre ressenti de cette carrière chez SEGA ? 

Je pense que le système actuel de SEGA a changé mais, quand j’y étais, il y avait un processus qui respectait les avis des concepteurs. Par conséquent, il y avait des projets que chaque équipe menait secrètement et les créateurs avaient un environnement de développement gratuit où ils pouvaient essayer diverses choses. Actuellement, le coût de développement des jeux sur consoles augmente et créer des jeux comme autrefois peut être considéré comme du gaspillage. Mais ce « gaspillage » justement était très amusant pour nous, les créateurs.


20 – Vous avez travaillé chez Sumo Digital en tant que Directeur du développement. Que pensez-vous de l’industrie vidéoludique actuelle ? 

Avec l’essor des jeux mobiles en free-to-play, le modèle économique des jeux a changé. Je pense que cela affectera grandement les jeux console à l’avenir. Afin de répondre à la diversification des besoins des joueurs, les jeux doivent être développés avec une attention constante portée au potentiel commercial d’Internet. 

Merci à Kats Sato pour avoir pris de son temps pour répondre à cette interview.