Demon's Souls : Le miroir des lames

Passé maîtres dans l’art du remake, notamment grâce à un Shadow of Colossus exceptionnel, les protégés de Bluepoint Games se sont attaqués à une montagne. En collaboration avec Japan Studio, les Texans d’Austin (petit clin d’œil au passage à mon cousin et sa famille qui y vivent) ont répondu à l’appel des fans pour faire renaître de ses cendres le très exigeant Demon’s Souls. Quand on connaît l’aura de From Software et sa saga King’s Field, on imagine sans mal toute la pression qui pesait sur les épaules des développeurs. Et une nouvelle fois, après nous avoir émerveillés avec la quête de Wanda et de son fidèle destrier Argo, les créateurs américains signent un sans-faute pour leur entrée sur le champ de bataille de la PlayStation 5. La première véritable claque next-gen ?


Qu’il est loin le temps où From Software, dans son petit bureau de Shibuya, exerçait dans le domaine des applications professionnelles et des logiciels de gestion. Il aura fallu d’une conférence de Sony en octobre 1993 pour que les dirigeants, déterminés à devenir pionniers dans les applications 3D, se décident à embrasser une carrière dans l’industrie du jeu vidéo. En découvrant la PlayStation, les intéressés ont compris que l’avenir était à la trois dimensions et aux expériences plongeant le joueur dans des mondes qui n’étaient que chimères. Il aura fallu du temps pour que le studio, célèbre pour ses licences King’s Field et Armored Core, soit pris au sérieux. Dirigée par le très inspiré Hidetaka Miyazaki, c’est en s’appuyant sur les fondations de King’s Field que l’entreprise s’est faite un nom avec deux œuvres canoniques : Dark Souls et Demon’s Souls. Si la première n’est plus à présenter avec ses différents épisodes, la seconde – encensée par la critique internationale – conserve une aura indescriptible et il en fallait du courage pour se lancer dans un tel projet. Et pourtant, dès le moment où on s’empare de la manette, la magie opère…


Le voyage de l’âme

Poisseux, ténébreux mais aussi imprégné d’un art morbide, Demon’s Souls se déroule dans le royaume de Bolétaria. Cette terre, jadis si prospère, est désormais emprisonnée par un épais brouillard et les âmes démoniaques. Afin de ramener un semblant de paix, le joueur incarne un héros – personnalisable – qui doit s’aventurer au sein de contrées hostiles, souillées par la soif de pouvoir irrépressible du roi Allant XII. Le monarque, avide de puissance, a plongé son propre royaume dans une torpeur cadavérique en libérant une entité monstrueuse et l’endroit est maintenant protégée par des gardiens qui n’attendent qu’une chose : vous terrasser. Comme l’original, l’aventure est exigeante et ne se dévoilera entièrement qu’aux plus courageux. Après un court périple servant de tutorial express, l’avatar est téléporté au sein du Nexus, un temple d’une beauté hypnotisante, à la croisée des mondes entre la vie et le trépas. Refuge d’âmes perdues, la bâtisse est un hub qui permet à la fois de rejoindre l’un des cinq mondes (composées de 4 zones) mais aussi d’acheter et d’optimiser votre équipement grâce au forgeron Boldwin. Comme une respiration à des combats qui ne laissent aucun répit.


La danse des phalanges

Demon’s Souls repose sur la stratégie et les patterns d’animation des ennemis. Pour s’en sortir, il est inutile de rentrer dans le tas en se disant que ça peut passer sur un malentendu. Le titre de From Software, remodelé par Bluepoint, impose sa difficulté et oblige le joueur à réfléchir à chacune de ses actions, un mauvais timing étant synonyme de blessure ou défaite. Pour se défaire des créatures démoniaques, il est indispensable de passer un certain temps dans le menu de création du personnage. Plusieurs catégories sont proposées (chasseur, voleur, noble, barbare…), chacune avec des spécificités en termes d’attaque, de défense, de résistance, de magie, etc. Le joueur peut ainsi façonner un combattant qui lui convient et se lancer dans la quête des âmes. C’est en effet en récupérant les âmes des hommes morts sur le champ de bataille (puis revenus à la vie sous la forme d’immondices putréfiées) que le héros peut booster son inventaire et récupérer des objets indispensables à sa longue et terrible aventure. Parmi ceux-ci se trouvent différentes herbes de soin mais aussi des artefacts permettant d’obtenir de petites aides salvatrices. Un anneau vous donnera, par exemple, plus de chance de récupérer du loot sur le corps des vaincus. Et croyez-le, il faudra tout ça – et même bien plus – pour résister à ce délicat périple. Porté par un level design labyrinthique exceptionnel (très Métroïdien dans l’esprit), Demon’s Souls demande un certain sens de l’orientation et jouit de fonctionnalités online astucieuses. Concrètement, le joueur peut, au gré de son voyage, lire les messages d’aide laissés par les autres aventuriers ou même s’appuyer sur les actions de ces derniers. Les fantômes de ces joueurs apparaissent alors et indiquent la marche à suivre pour réagir face à telle ou telle menace. Dans sa progression, dans cette envie de surpassement ou dans le souhait d’aider les autres (en laissant à son tour des messages), Demon’s Souls est incroyablement immersif et pousse véritablement à trouver différents leviers pour progresser et vaincre. Et avec ce remake, ce sentiment est décuplé.


Beauté morbide

Bluepoint est décidément capable de bien des prodiges. En plus de proposer une relecture du gameplay, le studio texan surprend avec une maîtrise exceptionnelle du hardware de la PlayStation 5. Demon’s Souls, dans son genre, est tout simplement magnifique et affiche des décors d’une beauté saisissante. Particules atmosphériques bluffantes, richesse des textures, lumières juste divines, densité hallucinante des environnements… chaque plan est une œuvre d’art qui laisse songeur quant aux futures productions. Avancer doucement dans la pénombre à la simple lumière des torches, se retrouver face à un dragon, être impressionné par le gigantisme et la magnificence extérieure du château… le joueur est constamment appelé à user du mode photo pour se faire plaisir et enregistrer des clichés aussi somptueux qu’emblématiques. Proposant deux modes (Cinématiques ou Performances – la différence se situant dans la fluidité ou la beauté du jeu), le jeu est plus moderne dans son approche et en sort grandi. Les animations ont aussi gagné en précision, les mouvements sont plus naturels et l’impact des coups s’avère plus prononcé. Le titre a également pour lui un sound design fantastique et des compositions orchestrales pénétrantes. Graphismes, sons, gameplay… Demon’s Souls transperce l’esprit et la quasi absence de chargements pousse à y retourner. Encore et encore.

VERDICT : FANTASTIQUE

Quel jeu ! En débutant sa série King’s Field il y a 25 ans, From Software était sans doute loin de s’imaginer que celle-ci accoucherait d’un remake aussi choyé. Les développeurs texans de Bluepoint ont accompli un petit miracle en remodelant intégralement le bijou de 2009. D’une beauté insolente, cette aventure signe le départ de cette nouvelle génération avec fracas. Les fans de l’original peuvent se procurer une PlayStation 5 les yeux fermés (enfin, quand celle-ci sera à dispo) afin de revivre une quête à la fois difficile et exigeante mais empreinte d’une atmosphère unique. Chef d’œuvre.

Points forts :

Pfiou, c’est quoi ces graphismes ?
Sound design et musiques déments
Exigeant mais tellement immersif
Un Demon’s Souls plus moderne
Direction artistique irréprochable
Gameplay remodelé
La première claque next-gen PS5

Points faibles :

DualSense pas vraiment exploitée
Euh…

Éditeur : Sony – Développeur : Bluepoint Games – Genre : Action/Aventure – Date de sortie : 19 novembre 2020 – Plateformes : PlayStation 5
Plus récente Plus ancienne