1989.
Masahiro Sakurai a 19 ans lorsqu’il est embauché chez HAL Laboratory, un studio
japonais alors en parfaite harmonie avec Nintendo. À son arrivée, il s’aperçoit
que l’entreprise est désireuse de nouveaux concepts et il se met à plancher sur
la création d’un petit personnage simple à dessiner, rondouillard et
ressemblant à un « ballon de baudruche ». Sakurai souhaite en effet un héros capable de rebondir et se
gonfler d’air et il se met alors à réfléchir à l’élaboration d’un jeu de
plate-forme destiné aux enfants. En mai 1990, il prépare un document qui
deviendra la base de son futur titre : Twinkle Popo. Le jeu Game Boy,
réalisé avec une Twin Famicom, un trackball artisanal (une sorte de souris
surmontée d’une boule) et un logiciel conçu sur mesure appelé Game Maker,
deviendra le célèbre Kirby Dream Land, le nom de Kirby ayant été proposé par
Nintendo of America. La suite de l’histoire, on la connaît : Kirby va
devenir un personnage emblématique de l’univers Nintendo et donner vie à une
série qui va traverser les générations.

Quand
on s’intéresse à l’histoire des jeux Kirby et à l’appréciation du public, on
découvre que la licence est appréciée, mais qu’elle n’a pas le retentissement
de certaines franchises de Nintendo. Kirby est souvent catalogué comme un
personnage enfantin et héros de jeux à la difficulté peu relevée. Et pourtant,
quand on se penche sur le catalogue des titres de la série, on découvre des
jeux absolument magistraux sur le plan de la direction artistique ou des idées
de gameplay. Par exemple, il est difficile de ne pas penser au formidable Kirby :
Au fil de l’aventure qui est sorti sur Wii puis, plus tard, sur Nintendo 3DS. Mais
en parallèle de cela, on trouve des aventures peu inspirées et franchement
passe-partout qui font qu’on a l’impression de jouer toujours au même jeu.
Nintendo avait tendance à se reposer un peu sur ses lauriers ces derniers temps
et on se demandait à quelle sauce allait être mangé le rondouillard rose sur
Nintendo Switch pour sa deuxième apparition (après un Star Allies mi-figue
mi-raisin). Et puis, sans crier gare, le nouvel épisode est arrivé et il nous a
totalement séduit.

UN
KIRBY BIEN PLUS AMBITIEUX
Alors
que Kirby s’éclate avec son étoile sur la Planète Pop, il est soudainement aspiré
par un trou noir qui gobe toutes les créatures. Téléporté dans une dimension
parallèle, il se réveille sur une plage, le visage dans le sable, et découvre
un nouveau monde. Et là, c’est la claque ! Terminé les niveaux minuscules
et sur un seul plan, Kirby peut désormais se déplacer en toute liberté dans un
environnement bien plus ouvert que dans le passé. Après une petite phase d’entrainement,
notre chère guimauve débarque dans un hôtel délabré et se surprend à gober une
voiture en tentant de se défendre. S’ensuit une escapade automobile ultra fun avant
que ne démarre une chanson entièrement en français ! Indéniablement, avec
le Monde Oublié, la saga Kirby a passé un cap et se veut bien plus ambitieuse
qu’auparavant. Avec cet univers qu’on croirait tout droit sorti d’une dimension
cartoonesque de The Last of Us (la nature a repris ses droits sur les vestiges
humains), le jeu nous happe dès la première seconde. Mais à ce moment-là, on est
à mille lieux de se douter des incroyables trouvailles qui nous attendent…

DES
WADDLE DEES À LA PEINE
Dès
votre arrivée sur cette étrange planète, vous comprenez que vous êtes là pour
sauver les nombreux Waddle Dee emprisonnés. Kirby et le Monde Oublié reprend
les idées des précédents épisodes, mais mise sur une foule de concepts inédits.
Le gourmand peut ainsi s’emparer des pouvoirs de ses ennemis en les gobant,
mais il est désormais amené à se métamorphoser en objets totalement insolites, répondant
à des mécaniques de gameplay géniales. Ainsi, outre les phases automobiles en
voiture (avec des parcours parfois chronométrés), notre ami rosâtre peut se
grimer en plot de chantier (il se retourne et fracasse le sol ou des
canalisations), se gonfler d’eau pour devenir gigantesque (et ensuite recracher
le précieux liquide), devenir aussi léger qu’un avion de papier pour foncer à
travers des dédales labyrinthiques, s’illuminer de tout son être pour éclairer
la piste ou carrément prendre la forme d’un monte-charge. Cette notion de « transmorphisme »
est absolument géniale et vient dynamiser la progression des niveaux de fort
belle manière. En tout, on dénombre une bonne dizaine de transformations
délirantes et c’est véritablement un des atouts charme de cette production.
Parmi les nouveaux pouvoirs, on recense également des aptitudes inédites, comme
le fait de creuser le sol avec la Foreuse ou la capacité d’user du tromblon
avec la fonction Explorateur. Kirby et le Monde Oublié est une oasis de
fraîcheur, de bonnes idées et de situations toutes plus originales les unes que
les autres. Et la force du jeu, c’est que tout cet ensemble est enveloppé dans
un gros bonbon !

UN
MONDE À RECONSTRUIRE
Kirby
et le Monde Oublié reprend ainsi le principe du hub (une place centrale, en l’occurrence
un village) donnant accès à différents biomes composés de plusieurs niveaux. On
s’amuse ainsi à arpenter chacun des stages en récoltant des pièces, en
découvrant les zones secrètes et en sauvant les Waddle Dees emprisonnés, qui
servent ensuite à ouvrir le passage menant au boss. Comme il faut un certain
nombre de Waddle Dees pour accéder au gardien des lieux, le joueur est poussé à
explorer chaque zone de fond en comble pour obtenir le 100% et ainsi débloquer
tous les défis proposés. En plus d’être très nombreux, ils sont souvent ingénieux
et offrent une replay-value très intéressante. Cela peut aller d’un boss à
vaincre avec un certain type d’aptitude à un défi chronométré en passant par
des choses plus loufoques, comme le fait de grimper à plusieurs reprises sur des
bus, de faire éclore des fleurs ou de débusquer des sculptures de glace. Chaque
niveau est un hymne à l’exploration et on s’amuse à fouiller pour trouver des objets
ou zones cachés. En parallèle de cela, les étoiles servent de monnaie locale et
viennent s’associer à des cristaux que l’on trouve dans des stages bonus
indiqués par une faille dimensionnelle sur la carte (map qui détient, elle-même,
des zones bonus secrètes !). Muni de tout cet attirail, le joueur peut
ensuite se rendre au village (évolutif dans le sens où la progression dans l’aventure
fait apparaître de nouveaux bâtiments) pour augmenter la puissance des
aptitudes, renforcer sa barre de vie, s’essayer à différents mini-jeux – dont le
très drôle service de livraison – ou se livrer aux combats de l’arène. Kirby et
le Monde Oublié est un titre extrêmement généreux et qui a, en plus, le mérite
d’être l’un des jeux les plus aboutis de la Nintendo Switch. Oui, rien que ça !

TERRE
DE CONTRASTE ET DE COULEUR
Dans
la plupart des jeux vidéo, et encore plus quand il s’agit de plate-forme, on a
tendance à retrouver toujours les mêmes poncifs visuels : la forêt, la
montagne, le désert, la zone aquatique, etc. Dans Kirby et le Monde Oublié, on
retrouve un peu de tout ça, mais la diversité proposée par les développeurs est
une leçon à filer à pas mal de studios. En effet, grâce à ce concept de monde
abandonné (et rappelant The Last of Us), Kirby et le Monde Oublié verse parfois
dans un esprit post-apocalyptique et peut ainsi élargir le type de niveaux
traversés. Après la forêt, on va ainsi se balader dans une ville en ruines,
mais sublimée par une nature luxuriante, avant de s’enfoncer dans une galerie
commerciale pour ensuite se rapprocher de la zone côtière et même d’un parc d’attraction.
À chaque niveau son idée ! Cela rappelle un certain Super Mario Galaxy et la
formule de Kirby s’adapte parfaitement à cette approche. Les musiques sont en plus
très entrainantes, les bruitages sont craquants et il y a plein de petits
détails qui forcent l’admiration (les pas dans la neige, les multiples
animations contextuelles, la qualité des effets pyrotechniques…). La Nintendo
Switch démontre, une nouvelle fois, qu’il n’y a pas forcément besoin d’être
équipé des dernières technologies de pointe pour en mettre plein les mirettes !
Avec mon gamin de sept ans, on a eu le plaisir de le faire de bout en bout à
deux en coopération (l’une de ses autres grandes forces) et on s’est tout
simplement éclatés ! Ce jeu est génial, drôle, inventif, beau à en pleurer
et il s’agit sans nul doute d’un des meilleurs épisodes jamais sortis. Un
bonbon, une guimauve, un marshmallow à dévorer au plus vite !

FANTASTIQUE !
Il
y a des signes qui ne trompent pas. Après avoir terminé le jeu avec son padre,
mon fils de 7 ans a relancé sa propre partie pour redécouvrir les niveaux et
tenter de débusquer tous leurs secrets. Kirby et le Monde Oublié est remarquable
d’ingéniosité et son concept de transmorphisme apporte un fun immédiat aux
différentes situations rencontrées. Entièrement jouable en coopération et
rempli de défis et mini-jeux, le titre de Nintendo propulse la boule rose dans
une nouvelle dimension. Cette fois, on ne pourra plus dire que le personnage
est en retrait de Mario ou Yoshi. Une oasis de fraîcheur à découvrir et
redécouvrir avant, pendant et après l’été !
Points
positifs :
Un
monde bien plus ouvert et riche qu’auparavant
Des
niveaux variés et très ingénieux
Des
trouvailles excellentes
Les défis et le village évolutif
Une
réalisation (graphismes, musique, animation…) fabuleuse
Le
concept du transmorphisme
La
coopération !
Points
négatifs :
On
voudrait plus de mondes
Certains
niveaux un peu trop « ligne droite »
Éditeur : Nintendo / Développeur : HAL
Laboratory / Genre : Action-Plate-forme / Date de sortie : 25
mars 2022 / PEGI : 3 / Support : Nintendo Switch