Super Star Wars : Le pari réussi de Lucasfilm Games sur console !


Sorti sur Super Nintendo, Super Star Wars (qui arrive sur PS4 et PS Vita) est l’un des titres les plus fun de la licence. C’est en 1992 qu’est parue cette cartouche mélangeant action, plateforme et phase de vol avec le fameux X-Wing. Kalani Streicher, producteur et lead designer de la trilogie de jeux Super Star Wars, a été au cœur du processus. Rentré en 1988 chez Lucasfilm Games en tant que designer et programmeur, il est arrivé à un moment où la firme grandissait de plus en plus :

« À cette époque, ils tentaient d’étendre leur activité au marché européen et ils recherchaient quelqu’un qui soit bilingue en allemand. »

Disposant de toutes les compétences nécessaires, Kalani Streicher n’hésite pas à postuler et il est alors embauché pour travailler sur de multiples projets : Zak McKracken and The Alien Mindbenders, mais aussi des adaptations traduites de Maniac Mansion ou encore Indiana Jones and The Last Crusade sur un grand nombre de plateformes.


Boss, on peut bosser sur des jeux pour consoles ?

Il devient dirigeant du département « localisation » de LucasArts. Au fil du temps, il devient membre d’un groupe qui souhaite que l’éditeur s’élargisse à l’univers des consoles :

« Lucasfilm était tourné avant tout vers le PC (type IBM), Mac, Amiga et Atari ST. Une bonne partie d’entre nous souhaitaient travailler sur des jeux console et certains voulaient le faire sur la licence Star Wars, dont moi-même. »

Prenant leur courage à deux mains, Kalani et ses collègues sont ainsi allés voir leur manager, Steve Arnold, pour lui demander de travailler sur des jeux console et sur Star Wars. La réponse de ce dernier fut étonnante : « Vous voulez le faire ? Alors, foncez ! » C’est ainsi qu’est née la première cartouche de la saga Star Wars sur console.

Kalani a fait équipe avec les développeurs Sculpured Software, une société basée dans l’Utah aux États-Unis. Ce sont ces derniers qui ont donné naissance à la fameuse cartouche 8 bits, NES et Game Boy, sobrement intitulée Star Wars. L’intrigue reprend le scénario du premier film et c’est ce jeu qui va servir de modèles aux titres Super Nintendo à venir, Super Star Wars, mais aussi Empire Strikes Back et Return of the Jedi. Comme l’explique Kalani, son intention était de créer la première trilogie Star Wars en jeu vidéo, mais en se focalisant sur une seule et même plateforme afin de ne pas s'éparpiller et mettre le paquet sur le plan technique. Il a alors choisi celle qui, à ses yeux, offrait le maximum de possibilités : la console 16-bits de Nintendo ! 


Une inspiration tous azimut

Super Star Wars, par son visuel et son gameplay, fait irrémédiablement penser à de gros classiques du jeu vidéo, et ce n’est évidemment pas un hasard. Kalani Streicher est un gamer averti et il a ainsi puisé dans ses œuvres favorites : Mega Man, Contra, Turrican, mais aussi Castlevania. Le designer est aussi un grand amateur d’un jeu d’arcade très coloré et vraiment magnifique visuellement : Willow de Capcom. C’est ce titre qui va le pousser à motiver son équipe pour réaliser un titre graphiquement spectaculaire.

« Je jouais à Willow en arcade. C’est ce qui m’a poussé à obtenir une qualité visuelle au dessus des autres jeux Super Nintendo. Je voulais que le titre soit un bon « side-scroller » à la Contra ou Castlevania, avec la qualité graphique des jeux d’arcade comme Willow ou Street Fighter, avec en plus un gameplay à bord d’un véhicule en utilisant le mode 7 de F-Zero. »


Voilà pourquoi on retrouve dans Super Star Wars ces phases en Mode 7. Si elles ne sont pas forcément d’une grande qualité, d’un point de vue ludique, elles apportent de la variété dans l’aventure. Il faut aussi reconnaître que le tout est parfaitement réalisé, coloré et fluide. À l’époque, cette surenchère visuelle a eu un vrai impact et fut salué par une foule de joueurs. Kalani a toujours voulu que les joueurs puissent interagir avec les vaisseaux entrevus dans les films, que ce soit à la première ou la troisième personne. Et sur ce point, c’est réussi ! En terme d’immersion, cette solution était la meilleure.

« On peut dire que nous étions les premiers à combiner le genre du side-scroller avec des phases de véhicules en vue subjective et en vue à la troisième personne. Je ne voulais pas utiliser de gameplay avec un défilement vertical ou horizontal (NDA : comme dans les shoots). Je voulais que le joueur ait l’impression de piloter un vaisseau à travers le désert ou la galaxie. »

Le poids de la licence Star Wars

S’attaquer à un tel mastodonte n’était pas chose aisée. Pour reproduire au mieux l’univers de Star Wars, Kalani Streicher et son équipe n’ont pas hésité à disséquer les films afin d’en extraire le meilleur, ou en tout cas les éléments les plus adaptés à un jeu vidéo. Impossible par exemple de se passer du désert de Tatooine, des personnages-clés ou des musiques de John Williams.

« J’ai regardé chaque aspect du film en détail avec l’équipe et on a ciblé les environnements et les personnages que nous souhaitions dans le jeu. »

Mais plus que tout, Kalani Streicher a pu compter sur un trésor cinématographique : les archives de Lucasfilm. Photos, vidéos, concept-arts, l’équipe avait vraiment de quoi faire !

« Tout le monde dans l’équipe était un fan absolu de Star Wars. À ce moment-là, je produisais aussi le jeu X-Wing, qui nous a demandé des recherches intensives en matière de vaisseaux et d’engins spatiaux. Je me suis efforcé à ce que l’authenticité de l’univers de Star Wars apparaisse dans les jeux. »


Un jeu interactif ?

Le Super Star Wars que nous connaissons est un jeu de plateforme, d’action avec une pincée de phases de shoot. Mais à l’origine, Kalani voulait aller encore plus loin en faisant coïncider les films avec le jeu :

« En fait, je voulais raconter l’histoire des films sous forme de mode interactif. Je savais aussi, en étant un vrai geek de Star Wars moi-même, que je voulais apporter des éléments qui n’avaient jamais été expliqués ou développés à travers les longs-métrages, en particulier des endroits ou des personnages qui ne sont mentionnés que brièvement. C’est le cas du boss de la Cantine. »

C’est peut-être pour cela que certains joueurs ont critiqué des aspects du jeu, notamment des ennemis qui ne collent pas toujours à l’univers de Star Wars. Il s’agissait d’un choix totalement assumé.

Une relation en or

Les relations entre l’équipe de Kalani Streicher et Sculptured Software étaient excellentes et c’est ce qui a permis à Super Star Wars de devenir la cartouche encensée que l’on connaît. Comme le rapporte l’intéressé, son équipe avait le contrôle total des aspects créatifs du jeu, comme le game design, le visuel et l’animation tandis que Sculpture Software codait le jeu.

« Sculptured avait un moteur fantastique, des outils et des kits de développement qui nous ont permis de créer rapidement les niveaux et l’animation des personnages. Le lead programmeur à Sculptured Software, Peter Ward, était un ingénieur incroyable et un vrai fan de Star Wars. C’était le pied de travailler avec lui ! Au début, j’ai créé un document de conception décrivant toutes les spécifications et la progression des niveaux, en indiquant les personnages et les véhicules. Nous avons ensuite conçu des story-boards pour la compréhension de l’histoire et pour tout ce qui est cinématiques et panneaux narratifs. Mon lead artist, Harrison Fong, s’est occupé d’une large majorité des story-boards, que nous avons transmis à l’équipe et qui ont été converti en illustrations numériques. »


Des niveaux travaillés à la moelle

L’un des niveaux le plus spectaculaire se passe à l’intérieur d’un « Sandcrawler » ou « Char des Sables » chez nous (ouais, c’est tout de suite moins glamour). Luke traverse ce gigantesque cuirassé et il doit rejoindre le sommet. Ce niveau a été un sacré casse-tête pour l’équipe, qui n’a pas hésité à le refaire plusieurs fois. Plusieurs modèles du Char des Sables ont été dessiné afin de trouver celui qui correspondait le mieux à l’utilisation d’un jeu vidéo, notamment en matière de game design. De la même façon, l’utilisation du Mode 7 a obligé l’équipe à plonger dans les entrailles du code, pour en obtenir le meilleur rendu. Mais ce n’était pas sans se heurter à de gros problèmes :

« C’était notre première fois avec le Mode 7 et nous l’avons utilisé d’une manière différente par rapport aux autres jeux de la console. Le niveau du Landspeeder devait être capable de monter sa progression au joueur, en se déplaçant à travers un désert vers les montagnes situées au loin. Il y avait un juste équilibre entre l’utilisation des sprites sur le terrain, les ennemis et le parallaxe de la chaîne de montagnes lointaine. »

Le développement de Super Star Wars, bien que passionnant, a donc donné de véritables maux de crâne à l’équipe. Par exemple, le niveau de l’Étoile noire aurait pu ne jamais exister sans une grande motivation. Cela n’a pas empêché l’équipe d’enlever de nombreux éléments, faute de mémoire. Ces problèmes seront, en partie, résolus avec l’utilisation de cartouches plus importantes pour The Return of The Jedi.

Indéniablement difficile, Super Star Wars et ses suites, encore plus riches (la programmation a été encore plus difficile, notamment pour les séquences avec l’AT-AT ou les phases à bord de la Speeder Bike) sont de vrais classiques de la ludothèque Super Nintendo. Très bien réalisés, ces jeux font honneur à la licence Star Wars, même s’il faut s’accrocher pour les terminer. Et ce n’est pas un hasard, comme le reconnaît Kalani Streicher :

« Qu’est ce que j’ai pu l’entendre celle-là. C’étaient des jeux difficiles, car nous visions vraiment les joueurs hardcore. À l’époque, tous les joueurs étaient de vrais férus de jeux vidéo. Si c’était à refaire aujourd’hui, le jeu ne serait pas aussi difficile, ça serait impossible. Toutefois, avec du recul, je dois admettre que j’aimerais réduire les impacts faits par les ennemis de 10 ou 20%, rendre le personnage plus résistant, ajouter des power-ups et concevoir les niveaux d’une manière différente. Mais je n’aimerais pas qu’il soit trop facile. Le jeu doit être difficile, le joueur doit ressentir de la difficulté avant d’obtenir le Pouvoir de la Force. Mon excuse préférée, en utilisant les mots de Yoda, c’est : « Toi pas encore être Jedi. Beaucoup de formation besoin tu as. »

Super Star Wars n’était que le premier épisode d’une trilogie de grande qualité. On parlait alors de l’année 1992 et la force de la licence Star Wars allait continuer à toucher toutes les générations.


TRIVIAS :

– À l’origine, les concepteurs du jeu voulaient mettre un contour noir aux personnages, un peu à la manière d’Ultima VII mais cette idée fut abandonnée par crainte de rendre les protagonistes trop caricaturaux.

– Un niveau avec l’utilisation d’un « compacteur » a été supprimé du jeu, faute de mémoire dans la cartouche.

– Un port PC du jeu a été développé par une société danoise du nom de Brain Bug et produite par Softgold. Le jeu est aujourd’hui disponible sur internet mais il n’est jamais sorti. En 1995, LucasArts a décidé d’annuler cette version qui reprend à l’identique la mouture Super Nintendo mais avec une ambiance sonore améliorée.

Sources : Now Gamer, Retro Gamer #97, Wikipedia, GameFaqs, StarWars.wikia.com, Game Oldies, 1Up
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