15 nov. 2022

Mario + The Lapins Crétins Sparks of Hope : Le meilleur jeu Switch de l'année ?

Mario dans un jeu de rôle tactique à damier, c’est une association qui paraissait improbable il y a quelques années. Même si le petit moustachu – et pas gaulois celui-là – nous a conviés à quelques combats au tour par tour, il faut reconnaître que Kingdom Battle, le premier crossover avec les Lapins Crétins, avait de quoi interloquer. Bien que mitigé sur certains aspects, le public a répondu favorablement à cette aventure au ton déjanté et à la réalisation exemplaire. Le génial directeur artistique d’Ubisoft Milan, Davide Soliani, ne pouvait en rester là et il a profité de l’E3 2021 pour annoncer cette suite. Intitulée Sparks of Hope, elle améliore tous les aspects de l’original pour un résultat passionnant. Non seulement on a succombé à cet épisode, mais on attend les trois extensions avec impatience !

Après la première aventure de Mario et ses compagnons, le Royaume Champignon a retrouvé la quiétude qui était la sienne. Alors que tout le monde profite de cette paix, Mario lève les yeux et voit quelque chose qui tombe du ciel. Il tente de regarder de plus près et se fait soudainement percuter par une petite étoile apeurée qui est rejointe par d’autres de ses congénères, les Sparks. C’est alors qu’une gigantesque raie manta survole la zone, transformant tout le paysage en une terre désolée. N’écoutant que son courage, Mario bondit vers la raie manta et se retrouve dans un monde parallèle. Il fait alors la connaissance de Crusa, une entité qui a décidé de mettre l’univers à sa botte en consommant les Sparks – nées de la fusion entre les Lumas et les Lapins Crétins. Et il va bien sûr falloir l’arrêter !

Une relecture de Kingdom Battle

Par rapport au précèdent épisode, Sparks of Hope est beaucoup plus libre. Désormais, les personnages peuvent aller où ils veulent et ne répondent plus au petit appareil qui leur servait de guide auparavant. En matière d’exploration, ça change tout ! Le joueur peut, à son envie, visiter chaque monde de fond en comble, parler avec les PNJ (des lapins crétins qui font les pitres et d’autres protagonistes loufoques), effectuer des quêtes alternatives en résolvant des puzzles, et ainsi profiter de chaque point d’intérêt de la map. Chaque lieu à thème est une ode à la découverte et il est même possible d’entrer dans les bâtiments ou d’interagir avec l’environnement (bosquets, rochers, etc.) pour récupérer des pièces ou des étoiles. Ces items ne sont pas superflus puisqu’ils permettent, pour les premières, d’acquérir des cosmétiques pour armes et objets qui vous serviront en combat (champignon revigorant, bloc POW, immunité, etc.) et, pour les secondes, d’améliorer les compétences des Sparks qui viennent épauler les membres de votre escouade. Sparks of Hope s’émancipe de la progression linéaire de son prédécesseur grâce à ses cinq planètes très différentes à visiter, tout en restant vivant et drôle. Tout a été réinventé et les combats, vous l’aurez bien compris, n’y échappent pas.

Oh, la belle bleue !

Durant les affrontements, Sparks of Hope conserve la limitation de déplacements inhérente au genre, mais se défait du damier habituel. Tout est beaucoup libre et les personnages peuvent, en plus, interagir entre eux pour s’entraider. En s’approchant d’un acolyte, votre avatar peut effectuer un saut pour planer temporairement jusqu’à une zone choisie. En phase offensive, il n’est pas rare d’affronter des Goombas qui se meuvent en file indienne et le jeu exploite un « dash » qui permet de dégommer tout ce petit monde. C’est fûté et ça apporte une donnée stratégique supplémentaire très intéressante. Bien évidemment, selon le protagoniste, les capacités d’attaque, de défense ou encore de déplacement sont plus ou moins importantes. Il faut alors prendre en compte les compétences de chaque personnage (que l’on choisit soigneusement dans son équipe) et s’adapter au terrain et aux ennemis en place. Au départ, on navigue un peu dans le flou en alternant entre les individus adeptes du tir à distance et ceux, plus bourrins, attirés par le corps-à-corps. Mais petit à petit, la difficulté grimpe, les opposants sont plus résistants, plus vicieux (certains sont plus costauds, d’autres se régénèrent…) et il faut alors parfaitement équilibrer son escouade en veillant à booster ses aptitudes via l’arbre de compétences. Outre leurs armes, les personnages ont accès à différents « pouvoirs spéciaux » (soin, bouclier, contre-attaque…), mais aussi aux Sparks. Ces petites étoiles, mix entre des Lumas et des Lapins Crétins, ne sont pas là que pour faire joli. Elles représentent la touche tactique supplémentaire en se basant sur les éléments : le feu, l’eau, l’électricité, la glace, etc. Une fois assignées aux héros, ces entités toutes mignonnes – mais redoutables – octroient des pouvoirs additionnels bien pratiques. Il y en a une bonne trentaine à débusquer dans le jeu et les obtenir offre un panel de possibilités encore plus vaste. Avec Sparks of Hope, on sent que les développeurs ont cherché à optimiser la formule en la rendant plus agréable et fluide. Et le pari est largement réussi. On s’éclate, les combats sont parfois bien tactiques – comme avec Bibi, l’un des gros ennemis du jeu – surtout dans les modes les plus costauds.

Il faut des gens beaux

Avec Kingdom Battle, les développeurs avaient démontré tout leur talent et ils le prouvent une nouvelle fois avec Sparks of Hope. En plus d’être mis en musique par de petits génies de l’industrie (Yoko Shimomura, Grant Kirkhope, et Gareth Coker), le jeu affiche des mondes assez vastes, colorés et remplis de petits détails qui insufflent un sentiment de vie. En déambulant dans ces différents environnements, on ne peut qu’être charmé par les trouvailles des artistes. On se délecte de pistes sonores délicieuses et il n’est pas rare de simplement se balader en fouillant chaque buisson pour récupérer un maximum de pièces. Il y a même des mini-jeux (parfois planqués) pour diversifier l’exploration. Mario + The Lapins Crétins est une licence qui pouvait être immensément casse-gueule, mais les créateurs ont réussi ce tour de force avec brio et on attend avec impatience les prochaines extensions. Trois sont prévues en 2023 et l’une d’entre elles mettra en scène un certain Rayman. Assurément une pépite et sans doute l’une des franchises exclusives les plus réussies de ces dernières années.

TRÈS BON

Propulsé par le moteur Snowdrop, Mario + The Lapins Crétins Sparks of Hope est une réussite totale. Bien plus libre que son prédécesseur, le jeu exploite de nouvelles idées qui s’adaptent parfaitement à sa structure tactique. Bourré d’humour, bien écrit et très intelligent dans sa démarche, il propose des combats passionnants et n’est jamais avare en surprise (mini-jeux, objectifs à atteindre, PNJ complètement barrés…). Avec sa bande-son magistrale signée par trois grands noms de l’industrie et sa réalisation remarquable, Sparks of Hope est tout simplement l’un des meilleurs jeux de l’année de la Nintendo Switch. Vivement les prochaines extensions !

 

Points positifs :

Une bande-son extraordinaire (Shimomura, Kirkhope, Coker)

Combats tactiques et dynamiques

Les Sparks, influenceurs de victoire ou défaite

La réalisation graphique

5 planètes très différentes à visiter

Plein de choses à faire !

Beaucoup plus libre que son prédécesseur

 

Points négatifs :

Quelques ralentissements

Quelques baisses de rythme (mais rien d’important)

 

Éditeur : Nintendo / Développeur : Ubisoft / Genre : Jeu de rôle tactique / Date de sortie : 20 octobre 2022 / PEGI : 7 / Support : Nintendo Switch                                                     

8 nov. 2022

The Last of Us Part I : L'expérience ultime d'un des meilleurs jeux PS3

 Ce test est une réécriture du texte paru à la sortie de The Last of Us en 2013

Pièce incontournable de la ludothèque PlayStation 3 et 4, The Last of Us revient pour la troisième fois en profitant du gap technologique de la nouvelle génération. L’idée derrière cette édition Part I réside dans le souhait de développeurs soucieux de proposer la formule ultime. Gameplay modernisé, commandes améliorées, de nouvelles options d’accessibilité… tout a été repensé pour faire de la première aventure d’Ellie et Joel un moment inoubliable. En profitant de l’expérience acquise avec The Last of Us Part II, l’original – déjà exceptionnel – se pare de qualités rares. Que vous n’ayez jamais fait cet épisode ou que vous l’ayez retourné dans tous les sens, apprêtez-vous à prendre un uppercut comme rarement. 

Mature, flippant, dérangeant, bouleversant, épique, stupéfiant, glaçant… un nombre incalculable de superlatifs a été employé depuis la sortie de The Last of Us en 2013. Par où commencer ? C’est la question que l’on peut se poser après avoir vécu une telle expérience. Bien évidemment, The Last of Us Part II est passé par là et il va incontestablement plus loin dans sa réalisation et son propos, mais la force de l’original réside justement dans le lien père/fille créé par Joel et Ellie et les évènements qui vont conduire à cette relation ancrée à jamais dans le cœur des joueurs. The Last of Us, c’est avant tout la fuite en avant de deux individus que tout oppose. Joel, un homme dévasté à l’apparence rustre et à la barbe drue, et Ellie, une adolescente de 14 ans qui a grandi soudainement lorsque le monde qui l’entourait s’est soudainement écroulé. Tous leurs repères, tout ce qu’ils pensaient avoir bâti n’est plus qu’une histoire ancienne qu’ils raconteront peut-être – si toutefois, ils survivent – lors de leurs vieux jours.

Sur la route, tadam, tadadadam….

Ensemble, ils vont traverser des États-Unis, et surtout une planète, ravagée par une pandémie dévastant les cellules humaines et faisant perdre tout contrôle à son hôte. Pour quelle raison ? Nous vous invitons à le découvrir par vous-mêmes, mais si vous êtes parents, vous allez être littéralement bouleversé par cette histoire et cette relation si particulière naissant peu à peu entre les deux protagonistes. L’écriture est juste, touchante, sans en faire trop. De fardeau par son inexpérience, la demoiselle petit à petit une source d’humanité et de compassion pour un homme dont le cœur semblait perdu à jamais. La violence entrevue dans The Last of Us n’est jamais gratuite, mais s’inscrit dans une logique de survie dans un monde qui ne fait aucun cadeau, et ce, quel que soient les individus que l’on croise. Nourriture, médicaments, vêtements… l’univers dépeint dans cette œuvre d’auteurs montre une facette dérangeante de l’âme humaine. Si la solidarité est palpable entre les êtres, l’individualisme et le besoin de sauver sa peau reprennent rapidement le dessus. The Last of Us n’évite pas certains clichés, mais le ton est si remarquable qu’on ne peut qu’être saisi par le scénario et les évènements. 

La survie a un prix

Avant de nous intéresser au gameplay, sachez que le prologue et la fin de The Last of Us sont parmi les séquences les plus émouvantes et spectaculaires jamais imaginées dans un jeu. C’était vrai en 2013, ça l’est toujours en 2022. Ce que vous allez vivre ne va pas vous laisser de marbre, bien au contraire. Si certains peuvent, à raison, regretter un démarrage poussif, l’histoire est si bien amenée qu’on ne peut que saluer cette montée en puissance. Bien que terriblement discrets sur leur passé, Joel et Ellie s’ouvrent peu à peu et le joueur découvre, par bribes, la vie antérieure d’un duo terriblement attachant. La tension, très présente, est atténuée par des séquences pleine d’humanité, drôles et touchantes. Happé de bout en bout, on a bien du mal à lâcher la manette, d’autant que ce Part I a été repensé pour une expérience modernisée. Dans l’absolu, le jeu reste dans son jus de l’époque, avec un gameplay (vue à la troisième personne, QTE, mélange d’action/infiltration, zeste poursuite/fuite…) toujours efficace, bien que très classique. Tout cela s’articule autour d’un monde qui s’est barricadé. À l’instar d’un film comme Warm Bodies ou d’une œuvre comme l’Attaque des Titans, les peuples sont pétrifiés par la peur de l’étranger et forment de petites communautés hermétiques. Tout infecté est considéré comme un pestiféré et le bestiaire, à commencer par les claqueurs, suffit à matérialiser cette peur viscérale qui saisit chaque corps encore en mesure de réfléchir. Ces entités sont des infectés de longue date qui sont devenues aveugles, se repérant au bruit et dont la seule morsure est fatale. La crainte qu’ils suscitent est d’ailleurs renforcée par une espèce de claquement (d’où le nom) terriblement stressant – encore plus dans la pénombre. Et comme si cela ne suffisait, on découvre rapidement que les infectés ne sont pas les seuls monstres du récit. 

Voir sans être vu

The Last of Us n’épargne rien, ni personne. Sa violence, viscérale, est palpable à chaque pression de bouton. Cette impression est renforcée, dans ce remake, par des animations plus crues et une caméra plus expressive. Les combats au corps-à-corps sont nerveux et le gameplay, dans son ensemble, se veut beaucoup plus efficace. On en veut pour preuve l’ajout de petites mécaniques liées à la DualSense et à sa gyroscopie. Une nouvelle fois, on ressent cette force qui émane du duo : Joël est puissant et violent, Ellie est plus subtile, mais cause tout autant de dégâts à mesure que le scénario s’écrit. Outre les phases d’infiltration, le père et sa fille spirituelle ont accès à un arsenal des plus complets : flingues divers, mitraillette, lance-flammes, fusil à pompe, cocktail molotov, bombe de dispersion… tout est bon pour terrasser les affreux. Et rien de tel qu’une brique ou une bouteille pour faire diversion. Dans un monde en perdition et jonché de lieux abandonnés, Joel et Ellie récupèrent tout ce qu’ils trouvent et apprennent peu à peu à crafter les outils de leur inventaire ou à utiliser certaines armes (le surin) à bon escient. Face aux multiples dangers, le joueur est en constant éveil, mais le récit offre des moments suspendus qui font sa force.

Horreur poétique

Cet oxymore convient à merveille au paragraphe qui va suivre. The Last of Us dépeint un monde ravagé par la violence et la peur, mais qui n’est pas avare en poésie. Dans cette douce et délicieuse balade vers la folie viennent se greffer des moments uniques où l’humanité reprend ses droits. Alors que les évènements tragiques se dessinent, le jeu affiche des environnements d’une rare élégance. La végétation s’invite désormais dans les buildings et chaque panorama est une ode à l’évasion. Cette impression est d’autant plus vraie qu’elle est liée à la naïveté d’Ellie, une gamine qui n’a jamais quitté sa zone de quarantaine et qui se retrouve face aux merveilles de la nature (animaux, le fait d’apprendre à siffler, les choses simples de la vie, etc.). Les doublages, poignants, sont remarquables de justesse, avec une VO tout simplement prodigieuse. Mais que les anglophobes se rassurent, la version française est également très réussie et demeure l’une des plus incroyables jamais entendues dans un jeu vidéo. Pour terminer, et parce que c’est aussi l’intérêt de ce remake, sachez que les graphismes sont juste exemplaires. Ses deux modes graphiques (Fidélité en 4K native et 40 fps / Performance en 4K dynamique et 60 fps) permettent de profiter de décors plus denses, de visages photo-réalistes et d’une direction artistique toujours aussi stupéfiante. Si certains détails semblent rester en 2013, on peut tout simplement dire que The Last of Us Part I est à l’image de sa suite. La refonte graphique est vraiment à la hauteur, le récit est toujours aussi remarquable et on reste bouche bée au moment de terminer cette aventure hors-normes. Les développeurs en ont d’ailleurs profité pour ajouter plein de petits bonus pour les fans (options, images/modèles 3D inédits, commentaires du jeu par les auteurs et acteurs, mode photo revu et corrigé, personnalisation des commandes…). Si vous aimez le jeu vidéo pour tout ce qu’il a à offrir, ne passez pas à côté de ce chef d’œuvre et de sa suite. On pourrait s’étendre des heures encore, en parlant notamment de la bande-son magistrale de Gustavo Santaolalla et de ses thèmes divins ou encore du prologue Left Behind inclus. Conseils aux parents : le 18 de la jaquette n’est pas là pour faire joli.

INDISPENSABLE

Le plus long des textes ne suffira pas à exprimer le ressenti émanant d’un joueur terminant The Last of Us Part I. Si le remake permet de profiter d’une remise à jour graphique et d’innombrables options améliorant l’expérience, le récit d’origine est si poignant qu’on ne peut que s’incliner face à l’extraordinaire création du studio Naughty Dog. Il est tout simplement impossible de sortir indemne d’une telle aventure, encore plus quand on est parent. C’est une œuvre à découvrir au moins une fois dans sa vie.

 

Points positifs :

Un remake visuellement digne de la next-gen

Des visages criants de réalisme

Le récit viscéral et touchant

La relation Joel/Ellie

De nouvelles options en pagaille

Plein de petits bonus pour les fans

Un gameplay encore efficace

L’atmosphère complètement dingue et les musiques de Gustavo Santaolalla

 

Points négatifs :

Quelques détails un peu datées (animations, etc.)

Pas donné pour un « simple » remake


Éditeur : Sony / Développeur : Naughty Dog / Genre : Action - Aventure / Date de sortie : 2 septembre 2022 / PEGI : 18 / Supports :  PS5, PC

1 nov. 2022

Super Star Wars : Le pari réussi de Lucasfilm Games sur console !


Sorti sur Super Nintendo, Super Star Wars (qui arrive sur PS4 et PS Vita) est l’un des titres les plus fun de la licence. C’est en 1992 qu’est parue cette cartouche mélangeant action, plateforme et phase de vol avec le fameux X-Wing. Kalani Streicher, producteur et lead designer de la trilogie de jeux Super Star Wars, a été au cœur du processus. Rentré en 1988 chez Lucasfilm Games en tant que designer et programmeur, il est arrivé à un moment où la firme grandissait de plus en plus :

« À cette époque, ils tentaient d’étendre leur activité au marché européen et ils recherchaient quelqu’un qui soit bilingue en allemand. »

Disposant de toutes les compétences nécessaires, Kalani Streicher n’hésite pas à postuler et il est alors embauché pour travailler sur de multiples projets : Zak McKracken and The Alien Mindbenders, mais aussi des adaptations traduites de Maniac Mansion ou encore Indiana Jones and The Last Crusade sur un grand nombre de plateformes.


Boss, on peut bosser sur des jeux pour consoles ?

Il devient dirigeant du département « localisation » de LucasArts. Au fil du temps, il devient membre d’un groupe qui souhaite que l’éditeur s’élargisse à l’univers des consoles :

« Lucasfilm était tourné avant tout vers le PC (type IBM), Mac, Amiga et Atari ST. Une bonne partie d’entre nous souhaitaient travailler sur des jeux console et certains voulaient le faire sur la licence Star Wars, dont moi-même. »

Prenant leur courage à deux mains, Kalani et ses collègues sont ainsi allés voir leur manager, Steve Arnold, pour lui demander de travailler sur des jeux console et sur Star Wars. La réponse de ce dernier fut étonnante : « Vous voulez le faire ? Alors, foncez ! » C’est ainsi qu’est née la première cartouche de la saga Star Wars sur console.

Kalani a fait équipe avec les développeurs Sculpured Software, une société basée dans l’Utah aux États-Unis. Ce sont ces derniers qui ont donné naissance à la fameuse cartouche 8 bits, NES et Game Boy, sobrement intitulée Star Wars. L’intrigue reprend le scénario du premier film et c’est ce jeu qui va servir de modèles aux titres Super Nintendo à venir, Super Star Wars, mais aussi Empire Strikes Back et Return of the Jedi. Comme l’explique Kalani, son intention était de créer la première trilogie Star Wars en jeu vidéo, mais en se focalisant sur une seule et même plateforme afin de ne pas s'éparpiller et mettre le paquet sur le plan technique. Il a alors choisi celle qui, à ses yeux, offrait le maximum de possibilités : la console 16-bits de Nintendo ! 


Une inspiration tous azimut

Super Star Wars, par son visuel et son gameplay, fait irrémédiablement penser à de gros classiques du jeu vidéo, et ce n’est évidemment pas un hasard. Kalani Streicher est un gamer averti et il a ainsi puisé dans ses œuvres favorites : Mega Man, Contra, Turrican, mais aussi Castlevania. Le designer est aussi un grand amateur d’un jeu d’arcade très coloré et vraiment magnifique visuellement : Willow de Capcom. C’est ce titre qui va le pousser à motiver son équipe pour réaliser un titre graphiquement spectaculaire.

« Je jouais à Willow en arcade. C’est ce qui m’a poussé à obtenir une qualité visuelle au dessus des autres jeux Super Nintendo. Je voulais que le titre soit un bon « side-scroller » à la Contra ou Castlevania, avec la qualité graphique des jeux d’arcade comme Willow ou Street Fighter, avec en plus un gameplay à bord d’un véhicule en utilisant le mode 7 de F-Zero. »


Voilà pourquoi on retrouve dans Super Star Wars ces phases en Mode 7. Si elles ne sont pas forcément d’une grande qualité, d’un point de vue ludique, elles apportent de la variété dans l’aventure. Il faut aussi reconnaître que le tout est parfaitement réalisé, coloré et fluide. À l’époque, cette surenchère visuelle a eu un vrai impact et fut salué par une foule de joueurs. Kalani a toujours voulu que les joueurs puissent interagir avec les vaisseaux entrevus dans les films, que ce soit à la première ou la troisième personne. Et sur ce point, c’est réussi ! En terme d’immersion, cette solution était la meilleure.

« On peut dire que nous étions les premiers à combiner le genre du side-scroller avec des phases de véhicules en vue subjective et en vue à la troisième personne. Je ne voulais pas utiliser de gameplay avec un défilement vertical ou horizontal (NDA : comme dans les shoots). Je voulais que le joueur ait l’impression de piloter un vaisseau à travers le désert ou la galaxie. »

Le poids de la licence Star Wars

S’attaquer à un tel mastodonte n’était pas chose aisée. Pour reproduire au mieux l’univers de Star Wars, Kalani Streicher et son équipe n’ont pas hésité à disséquer les films afin d’en extraire le meilleur, ou en tout cas les éléments les plus adaptés à un jeu vidéo. Impossible par exemple de se passer du désert de Tatooine, des personnages-clés ou des musiques de John Williams.

« J’ai regardé chaque aspect du film en détail avec l’équipe et on a ciblé les environnements et les personnages que nous souhaitions dans le jeu. »

Mais plus que tout, Kalani Streicher a pu compter sur un trésor cinématographique : les archives de Lucasfilm. Photos, vidéos, concept-arts, l’équipe avait vraiment de quoi faire !

« Tout le monde dans l’équipe était un fan absolu de Star Wars. À ce moment-là, je produisais aussi le jeu X-Wing, qui nous a demandé des recherches intensives en matière de vaisseaux et d’engins spatiaux. Je me suis efforcé à ce que l’authenticité de l’univers de Star Wars apparaisse dans les jeux. »


Un jeu interactif ?

Le Super Star Wars que nous connaissons est un jeu de plateforme, d’action avec une pincée de phases de shoot. Mais à l’origine, Kalani voulait aller encore plus loin en faisant coïncider les films avec le jeu :

« En fait, je voulais raconter l’histoire des films sous forme de mode interactif. Je savais aussi, en étant un vrai geek de Star Wars moi-même, que je voulais apporter des éléments qui n’avaient jamais été expliqués ou développés à travers les longs-métrages, en particulier des endroits ou des personnages qui ne sont mentionnés que brièvement. C’est le cas du boss de la Cantine. »

C’est peut-être pour cela que certains joueurs ont critiqué des aspects du jeu, notamment des ennemis qui ne collent pas toujours à l’univers de Star Wars. Il s’agissait d’un choix totalement assumé.

Une relation en or

Les relations entre l’équipe de Kalani Streicher et Sculptured Software étaient excellentes et c’est ce qui a permis à Super Star Wars de devenir la cartouche encensée que l’on connaît. Comme le rapporte l’intéressé, son équipe avait le contrôle total des aspects créatifs du jeu, comme le game design, le visuel et l’animation tandis que Sculpture Software codait le jeu.

« Sculptured avait un moteur fantastique, des outils et des kits de développement qui nous ont permis de créer rapidement les niveaux et l’animation des personnages. Le lead programmeur à Sculptured Software, Peter Ward, était un ingénieur incroyable et un vrai fan de Star Wars. C’était le pied de travailler avec lui ! Au début, j’ai créé un document de conception décrivant toutes les spécifications et la progression des niveaux, en indiquant les personnages et les véhicules. Nous avons ensuite conçu des story-boards pour la compréhension de l’histoire et pour tout ce qui est cinématiques et panneaux narratifs. Mon lead artist, Harrison Fong, s’est occupé d’une large majorité des story-boards, que nous avons transmis à l’équipe et qui ont été converti en illustrations numériques. »


Des niveaux travaillés à la moelle

L’un des niveaux le plus spectaculaire se passe à l’intérieur d’un « Sandcrawler » ou « Char des Sables » chez nous (ouais, c’est tout de suite moins glamour). Luke traverse ce gigantesque cuirassé et il doit rejoindre le sommet. Ce niveau a été un sacré casse-tête pour l’équipe, qui n’a pas hésité à le refaire plusieurs fois. Plusieurs modèles du Char des Sables ont été dessiné afin de trouver celui qui correspondait le mieux à l’utilisation d’un jeu vidéo, notamment en matière de game design. De la même façon, l’utilisation du Mode 7 a obligé l’équipe à plonger dans les entrailles du code, pour en obtenir le meilleur rendu. Mais ce n’était pas sans se heurter à de gros problèmes :

« C’était notre première fois avec le Mode 7 et nous l’avons utilisé d’une manière différente par rapport aux autres jeux de la console. Le niveau du Landspeeder devait être capable de monter sa progression au joueur, en se déplaçant à travers un désert vers les montagnes situées au loin. Il y avait un juste équilibre entre l’utilisation des sprites sur le terrain, les ennemis et le parallaxe de la chaîne de montagnes lointaine. »

Le développement de Super Star Wars, bien que passionnant, a donc donné de véritables maux de crâne à l’équipe. Par exemple, le niveau de l’Étoile noire aurait pu ne jamais exister sans une grande motivation. Cela n’a pas empêché l’équipe d’enlever de nombreux éléments, faute de mémoire. Ces problèmes seront, en partie, résolus avec l’utilisation de cartouches plus importantes pour The Return of The Jedi.

Indéniablement difficile, Super Star Wars et ses suites, encore plus riches (la programmation a été encore plus difficile, notamment pour les séquences avec l’AT-AT ou les phases à bord de la Speeder Bike) sont de vrais classiques de la ludothèque Super Nintendo. Très bien réalisés, ces jeux font honneur à la licence Star Wars, même s’il faut s’accrocher pour les terminer. Et ce n’est pas un hasard, comme le reconnaît Kalani Streicher :

« Qu’est ce que j’ai pu l’entendre celle-là. C’étaient des jeux difficiles, car nous visions vraiment les joueurs hardcore. À l’époque, tous les joueurs étaient de vrais férus de jeux vidéo. Si c’était à refaire aujourd’hui, le jeu ne serait pas aussi difficile, ça serait impossible. Toutefois, avec du recul, je dois admettre que j’aimerais réduire les impacts faits par les ennemis de 10 ou 20%, rendre le personnage plus résistant, ajouter des power-ups et concevoir les niveaux d’une manière différente. Mais je n’aimerais pas qu’il soit trop facile. Le jeu doit être difficile, le joueur doit ressentir de la difficulté avant d’obtenir le Pouvoir de la Force. Mon excuse préférée, en utilisant les mots de Yoda, c’est : « Toi pas encore être Jedi. Beaucoup de formation besoin tu as. »

Super Star Wars n’était que le premier épisode d’une trilogie de grande qualité. On parlait alors de l’année 1992 et la force de la licence Star Wars allait continuer à toucher toutes les générations.


TRIVIAS :

– À l’origine, les concepteurs du jeu voulaient mettre un contour noir aux personnages, un peu à la manière d’Ultima VII mais cette idée fut abandonnée par crainte de rendre les protagonistes trop caricaturaux.

– Un niveau avec l’utilisation d’un « compacteur » a été supprimé du jeu, faute de mémoire dans la cartouche.

– Un port PC du jeu a été développé par une société danoise du nom de Brain Bug et produite par Softgold. Le jeu est aujourd’hui disponible sur internet mais il n’est jamais sorti. En 1995, LucasArts a décidé d’annuler cette version qui reprend à l’identique la mouture Super Nintendo mais avec une ambiance sonore améliorée.

Sources : Now Gamer, Retro Gamer #97, Wikipedia, GameFaqs, StarWars.wikia.com, Game Oldies, 1Up