Assassin's Creed Mirage : Bagdad, I'm calling you

Imaginé comme une extension à Assassin’s Creed Valhalla, la célèbre aventure se déroulant durant l’ère Viking, Mirage est qualifié de retour aux sources par le studio Ubisoft Bordeaux. Pour la toute première fois, un épisode de la saga est entièrement piloté par un studio français et c’est un peu dire que les développeurs de la Porte de la Lune ont été sous pression. Pour ne pas se perdre dans une ambition déraisonnée, ils ont choisi de modeler une épopée immersive au cœur de la Bagdad du IXème siècle avec un focus sur la furtivité. Porté par un directeur artistique qui a grandi en Iran et une équipe de passionné, Assassin’s Creed Mirage est moins grandiloquent que ses prédécesseurs, mais en allant à l’essentiel, il parvient à toucher la fibre nostalgique. Si vous avez aimé l’original sorti en 2007, il y a de grandes chances que ce nouvel opus vous réchauffe le cœur. 

Que l’on ne s’y trompe pas. Malgré l’ambition mesurée d’Assassin’s Creed Mirage, cet épisode inédit est le fruit de plus de 250 personnes qui ont œuvré pendant plusieurs années en s’appuyant sur des recherches historiques extrêmement poussées. Dans le jeu d’Ubisoft Bordeaux, l’intrigue s’intéresse au destin de Basim, un jeune voleur de la rue qui est enrôlé dans la confrérie des assassins après avoir commis l’irréparable. D’un tempérament arrogant et naïf, il va peu à peu se fondre dans la foule avec la mission d’anéantir tous les membres de l’Ordre qui se terrent dans Bagdad. La quasi intégralité de l’aventure, à l’exception de quelques phases, se déroule essentiellement dans la cité du Moyen-Orient. Sur le papier, cela pourrait être un défaut, mais on s’aperçoit rapidement que c’est tout sauf un problème.

Bagdad Café

Dans Assassin’s Creed Mirage, Bagdad est un personnage à elle seule. Raphael Weyland, historien chez Ubisoft, a accordé une interview à Gamerant où il donne les clés de cette immersion dans la Capitale de l’Empire califal du IXème siècle.  L’un des efforts de l’équipe a été de rendre cette mégalopole aussi cosmopolite qu’elle ne l’était à l’époque. Aussi, lorsqu’on se balade en ville, on peut entendre plusieurs langues (arabe bien sûr, mais aussi chinois, persan, hébreu…) et cette modernité fait écho à notre monde qui s’est pratiquement affranchi des frontières. Réaliser tous les doublages a demandé du temps, mais c’est ce qui fait que l’excursion, au cœur de cette Bagdad virtuelle, est étonnante. En parallèle, un nombre incalculable de recherches ont été effectuées pour reproduire au mieux le comportement et les coutumes de la population. C’est ce qui explique le non-port du voile chez certaines femmes (et pour cause, la ville mariait plusieurs origines, donc plusieurs religions), les animations soignées des gens qui vaquent à leurs occupations ou les travaux architecturaux totalement bluffants. En bref, on s’y croit et on passe (en tout cas, pour ma part) un temps fou à simplement flâner dans les rues pour profiter de toute cette atmosphère. Franchement, c’est un régal ! Il ne reste plus qu’à espérer qu’un mode Discovery Tour (comme pour Origins, Odyssey et Valhalla) fasse son apparition prochainement.

AC de fioritures

Fonctionnant comme un jeu d’enquête avec des missions qu’on active aux quatre coins de la carte, Assassin’s Creed Mirage est une aventure qui se picore à condition de profiter de l’ensemble des éléments proposés par les développeurs. Basim aime la grimpette et on prend du plaisir à repérer les va-et-vient des soldats, à analyser le décor (comme une corde servant de tyrolienne et allant jusqu’à une fenêtre à proximité de la zone d’une mission) et à détourner l’attention des gardes en faisant tomber un échafaudage par exemple. Bien que l’histoire se concentre sur Bagdad, la furtivité est mise au service du joueur dans les grandes largeurs et apprendre à jouer avec l’environnement apporte une certaine satisfaction. Une amphore explosive d’un côté, une affiche de recherche à arracher de l’autre… la formule de Mirage ne révolutionne rien de ce que l’on connaît, mais c’est toujours grisant de parvenir à réussir un objectif dans un endroit solidement gardé. Mirage a beau proposer un système de combat, il est volontairement punitif pour que les joueurs reviennent à l’infiltration et c’est vraiment le sel de cet épisode.

Assassin’s Creed Mirage revient aux sources et si cette approche, un brin linéaire, pourra gêner certaines personnes, je trouve personnellement que ça fait du bien de revenir à ce type de monde ouvert. Bagdad est grande, mais ne donne pas dans l’immensité et on n’a pas le sentiment d’être noyé dans un flot de missions rébarbatives et de quêtes annexes poussives (même si, dans le lot, y a quelques objectifs vraiment faits pour augmenter artificiellement la durée de vie). On revient à un jeu à taille « humaine » qui conviendra parfaitement à celles et ceux qui n’ont pas le temps nécessaire pour passer une centaine d’heures sur un jeu vidéo. Et de nos jours, on le sait, c’est le cas de très nombreuses personnes, pourtant fans du média.

Comme le dit Simon Arsenault, directeur mondial, à Game Reactor, le but de Mirage était de revenir au sentiment de détective en poussant l’utilisateur à pister sa cible. Et pour réussir une mission, surtout dans un lieu ultra-gardé, il faut passer par une phase de repérage avec l’aigle Enkidou, puis se poser dans une zone pour analyser le comportement des troupes ennemies. Il est même possible d’obtenir l’aide de rebelles, mais à condition de leur donner quelque chose en échange (ce qui oblige à suivre d’autres objectifs pour récupérer des jetons comme monnaie d’échange pour le service rendu). Pour le reste, on retrouve tout ce qui fait le charme de la série, avec ses sauts de la Foi, ses vols de bourses, ses charrettes, ses bancs et autres caches secrètes, ses portes barricadées, ses objets interactifs (une poulie à briser pour faire tomber quelque chose, des rondins de bois à faire dégringoler…), ses assassinats furtifs (les animations contextuelles ont la bonne idée d’attraper la cible pour l’éloigner de la vue des autres soldats) et, bien évidemment, son système de détection hérité de Metal Gear Solid. Une fois détecté, il faut se précipiter sur le garde qui fuit pour sauver la cloche, l’adrénaline monte alors d’un cran, surtout lorsqu’on se trouve au beau milieu d’une forteresse ou d’un palais truffés de soldats.

Je m’appelle Bagdad

En plus de ce qui a été dit plus haut, le jeu affiche de très beaux graphismes. On peut en profiter en qualité 4K avec une animation en 30 images par seconde ou opter pour un maximum de fluidité. À l’image des précédents épisodes, Mirage est une œuvre qui flatte la rétine grâce à un monticule de petites attentions. Cela va des pas du chameau (ou du cheval puisqu’on peut aussi monter à cheval) dans le sable aux flamants roses qui s’envolent au-dessus du fleuve en passant par les somptueux effets de lumière qui lèchent les parois des bâtiments lorsque le soleil vient à se coucher. Si toutes les textures ne sont pas fines et détaillées, on ressent l’amour du travail bien fait. Chaque quartier présente ses spécificités, tous les badauds ne sont pas de vagues copiés-collés et les zones autour de Bagdad, même désertiques, attisent l’intérêt. Tout n'est pas impeccable pour autant et je me devais de glisser une petite liste de défauts pour éviter qu’on me dise que j’ai vu un Mirage en découvrant cet Assassin’s Creed.

La mise en scène, lors des dialogues entre personnages, aurait pu être plus rythmée. La construction du jeu, au format enquête, fait qu’on enchaine les missions sans avoir à se mettre sous la dent un scénario solide et les différentes cutscenes ont du mal à masquer la faiblesse globale de la narration. On peut aussi regretter des animations qui manquent parfois de souplesse. Basim semble un peu lourd alors qu’il n’est pourtant pas bien vieux et cela peut poser problème face à des soldats, pas très fûtés certes (l’IA n’est pas un modèle du genre), qui tentent de vous encercler. Pour le reste, à l’exception de quelques bugs, c’est surtout la structure du jeu qui fera que vous accrocherez ou pas. En ce qui me concerne, Mirage est l’un de mes épisodes préférés et si vous craquez pour ce jeu, prenez le temps de suivre les quêtes secrètes. Elles sont de longue haleine et réservent de belles surprises.

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