Spot goes to Hollywood : quand le jeu de plateforme en 3D isométrique rencontre le cinéma

Avec le temps qui s’égrène à la vitesse d’un sablier, un constat s’impose : nous n’aurons jamais assez d’une vie pour découvrir tous les jeux vidéo qui nous font envie. Plus que jamais d’actualité, cette réalité était aussi la nôtre lors des générations précédentes. Si vous avez lu les précédentes interviews et dossiers de Terre de Jeux, vous avez probablement remarqué mon appétence pour les jeux que l’on retrouvait, généralement, à la fin des magazines. Bon nombre de titres n’ont pas eu la portée médiatique qu’ils méritaient parfois et je prends un grand plaisir à leur redonner un semblant de lumière en allant contacter les développeurs ou en récoltant des informations restées sous le radar. Cette fois, j’ai décidé de vous parler d’un jeu qui a attiré mon attention récemment : Spot Goes to Hollywood. La Video Game History Foundation vient en effet d’exhumer un CD comprenant de nombreux documents de développement et le moment était opportun pour en parler sur le site. Une capsule temporelle comme je les aime.





David Perry. Le nom de ce grand Nord-Irlandais, tant par la taille que le talent, risque d’évoquer des souvenirs à de nombreuses personnes. Atterri à Virgin Games après un imbroglio incroyable (l’écriture de ce dossier fut un vrai plaisir), le natif de Lisburn, une ville au sud-ouest de Belfast, s’est rapidement fait un nom dans l’industrie. Génie de la programmation et féru d’animation, il s’est signalé avec des jeux d’exception, comme The Terminator, Global Gladiator, Cool Spot, Aladdin ou encore Earthworm Jim. Si le passage à la 3D a, semble-t-il, été plus délicat, David Perry n’en demeure pas moins une légende du jeu vidéo. Pour le papier qui nous intéresse aujourd’hui, nous allons revenir sur le cas de Cool Spot, un jeu d’action/plateforme dont l’animation exceptionnelle est restée dans toutes les mémoires. Je me souviens avoir écarquillé les yeux en découvrant le test du jeu dans Joypad et cette note maximale de 20 sur 20 pour l’animation. Indiscutablement, un nouveau pas avait été franchi.







Par rapport à certains programmeurs qui misent sur d’autres éléments, David Perry a toujours veillé à ce que l’animation soit au centre du processus. C’est ce que révèle le génial animateur Mike Dietz sur le site Arcade Attack : « À l'époque, nous étions encore assez novices dans le domaine des jeux, et nous découvrions à la fois le développement de jeux et l'animation. Deux excellents animateurs travaillaient avec moi sur ce jeu, Shawn McLean et Clark Sorenson. Ils ont fait du bon travail et ils ont rendu possible cette incroyable animation. Sur Mega Drive, le mérite des superbes animations graphiques revient en grande partie au moteur de jeu de Dave Perry et à la volonté de Dave de consacrer plus de ressources (que d'habitude) à l'animation des personnages, ce qui nous a permis de travailler sur un plus grand nombre d’étapes d'animation. » Vendu à un million d’exemplaires, Cool Spot était à l’origine un projet Super Nintendo, mais le rendu n’était pas convaincant. Quand David Perry est intervenu, il a transposé les animations déjà établies dans son moteur dédié à la Mega Drive et tout le développement a été transféré sur la console de SEGA. C’est finalement le programmeur Mark Kelly qui a réussi à adapter le moteur de David Perry sur Super Nintendo et qui a permis à Virgin de proposer des portages sur la machine de Nintendo.





Après le départ de David Perry, parti fonder Shiny Entertainment, Virgin Games a jugé que le partenariat avec la marque 7-Up était bénéfique et qu’il fallait le poursuivre. Il a été ainsi question, assez rapidement, de réaliser une suite à Cool Spot. Afin d’apporter un coup de neuf à la petite capsule, l’éditeur américain a décidé de confier le challenge à deux studios : Eurocom (Mega Drive) et Burst Studios (PlayStation et Saturn). La version Super Nintendo, pourtant avancée, n’a jamais été finalisée et commercialisée. Certains jeux m’ont toujours intrigué et je n’avais jamais touché à ce Spot Goes to Hollywood. J’ai donc voulu voir ce qu’il avait dans le ventre, surtout après avoir découvert les croquis préparatoires du développement. Étant un grand fan d’animation, je n’ai pas été déçu en matière d’atmosphère et d’immersion. En revanche, le gameplay m’a laissé plus circonspect, un peu à l’image de tous les tests de l’époque. Voyons ça de plus près…

Pour découvrir le jeu, j’ai choisi de le faire sur PlayStation, notamment pour la meilleure compression vidéo des cinématiques et des séquences de dessin animé. De ce côté, Spot Goes to Hollywood est un véritable bonbon. En dépit de (rares) doublages en anglais, les scènes sont drôles, assez courtes pour la plupart et servent d’introduction à chaque nouvel environnement. Le titre nous propulse ainsi dans différents décors inspirés du septième art : monde des pirates, Far West, temples et mines à la Indiana Jones, zone bonus à la Jurassic Park, thème horrifique et d’épouvante, séquence de shoot dans l’espace, etc. L’aventure est plutôt variée et il y a des passages rigolos en scrolling automatique pour dynamiser la progression.





Avec une vingtaine de niveaux (avec les zones bonus), Spot Goes to Hollywood prend la forme d'un jeu de plateforme en 3D isométrique, là où son aîné s'affichait comme un jeu de plateforme 2D à défilement horizontal. Si l'appréciation des distances n'est pas toujours évidente, le titre de Virgin s'impose grâce à une variété bienvenue et des ambiances très réussies. Par ailleurs, pour les amateurs d'exploration, il faut souvent fouiller de fond en comble les niveaux pour mettre la main sur des étoiles qui ouvrent la porte aux zones bonus. L'ensemble est vraiment intéressant, et si les niveaux sont linéaires, on passe tout de même un bon moment en compagnie de la petite capsule.





Mêlant éléments en 2D et en 3D, Spot Goes to Hollywood est également un jeu très joli à regarder. Les différents environnements sont colorés, plutôt détaillés, et les animations ont fait l'objet d'un soin très prononcé par les graphistes. Le bestiaire est assez dense et cela n’empêche pas les différents ennemis d’avoir, chacun à leur échelle, des mouvements fluides et dignes d’un cartoon. Quand on découvre cette aventure, on ressent l’amour des animateurs pour le dessin animé traditionnel et cela pousse à continuer, à en découvrir toujours plus. Ce n'est ainsi pas un hasard si je suis allé au bout de cette épopée riche en surprises. Spot Goes to Hollywood m'a fait passer un excellent moment, et je suis vraiment content d'avoir enfin pu découvrir l'intégralité de ce jeu qui me faisait de l'œil depuis longtemps.





C'est vraiment le type de productions que l'on ne voyait pas souvent dans les étals des magasins de jeux vidéo à l'époque. Par rapport à d’autres titres plus ambitieux, surtout à l’ère d’une 3D en pleine expansion, le titre de Virgin est un peu passé inaperçu. Lui redonner un peu de lumière n’est donc pas chose inutile, surtout avec la mise en ligne de nombreux documents hérités du développement.



Documents de développement (issus de Video Game History Foundation Library)
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