Après un petit périple en Mayenne pour faire un peu de musique (une autre de mes passions), il est temps de reprendre mon train-train quotidien. Je pourrais d'ailleurs être amené, dans un futur très proche, à participer à des conférences sur le jeu vidéo (et notamment le retrogaming et les coulisses de développement de nos titres adorés) dans l'ouest de la France. En attendant que ce projet se concrétise, je vous propose ce nouveau post sur Terre de Jeux.
Il y a quelques jours, le site japonais 4Gamer.net a interviewé les créateurs de Jet Set Radio. Ils ont notamment parlé du développement de la célèbre licence née sur Dreamcast, mais aussi du futur épisode qui est en préparation ! Comme il y a des passages vraiment cools, voilà une petite rétrospective de ce qui s'est dit dans cet article. Le producteur Masayoshi Kikuchi et l'artiste Ryuta Ueda sont revenus sur cette étonnante expérience.
Le début du projet
Tout a commencé à l'automne 1997 lorsque Ryuta Ueda a présenté à Masayoshi Kikuchi une ébauche. "Alors que nous approchions de la phase finale du développement d'Azel Panzer Dragoon (Panzer Dragoon Saga), Ueda est venu me voir en me disant : 'Je pense à ce genre de jeu' et il m'a montré un dessin conceptuel. Cette ébauche a été le point de départ du projet." Voyant que le concept plaît à son producteur, Ryuta Ueda se lance dans un marathon personnel. Il avoue : "Une fois le développement d'Azel Panzer Dragoon terminé, j'ai dessiné en douce d'autres croquis pendant que je préparais, dans le même temps, le guide stratégique du jeu Saturn. (Rires) " L'idée de l'artiste est simple : il veut s'éloigner des concepts de mondes fantastiques, qui pullulent dans l'industrie à ce moment-là, en allant vers un rendu plus moderne, plus pop'art. Son souhait : surpasser visuellement et artistiquement un Parappa the Rapper sur PlayStation.
La Saturn faisant partie du passé, l'équipe se concentre sur la future machine de SEGA. Cela tombe bien, la direction veut des jeux. Beaucoup de jeux et des concepts jamais vu ailleurs ! Masayoshi Kikuchi a une explication : "Avec la PlayStation et la SEGA Saturn, le marché s'est élargi à une cible plus large : des enfants aux familles et aux adultes. En ce sens, la base d'utilisateurs s'est agrandie et il était probablement plus facile pour nous de proposer quelque chose qui n'avait jamais été fait auparavant."
Rollers jeunesse !
Lassé des mondes fantastiques, Ryuta Ueda souhaite quelque chose de plus moderne, plus stylisé. Sur ses croquis apparaissent des personnages équipés de rollers avec des arrière-plans ressemblant à Tokyo. C'est sur la base de cet univers moderne, avec en toile de fond le mot "Action" que le projet prend sa première forme. Pour trouver une direction cohérente au jeu, le staff de Kikuchi s'inspire alors de celui qui a révolutionné l'univers des jeux en 3D : Super Mario 64 ! Seulement voilà, le premier prototype n'a rien de fameux : les personnages se déplacent sur des rollers, il y a quelques grinds et figures à effectuer sur les éléments du décor, mais le tout est insuffisant pour faire une expérience plaisante. Ils vont peu à peu se diriger vers une idée qui leur trotte dans la tête depuis un moment : incorporer des graffitis au sein du jeu !
En parallèle de Super Mario 64 et The Legend of Zelda : Ocarina of Time (qui a poussé SEGA, à la fin de l'année 1998, à reculer la sortie de la Dreamcast d'une semaine), l'équipe de Masayoshi Kikuchi s'imprègne d'un autre titre Nintendo 64 : 1080° Snowboarding ! Redoutable d'efficacité, le jeu de Nintendo diffuse une véritable sensation de liberté grâce à de larges pistes et un rendu visuel très immersif. Les Japonais de SEGA vont alors étudier ces trois jeux (Mario, Zelda, 1080) pour créer l'univers de Jet Set Radio.
Des boites et du cel-shading
Donnant l'illusion d'être un monde semi-ouvert, Jet Set Radio est en réalité constitué de boites 3D (ou box) qui sont toutes reliées entre elles afin de donner l'impression d'évoluer dans une ville. Pas une mince affaire à en croire Kikuchi-san : "En raison des restrictions techniques, il était difficile pour la Dreamcast de créer un seul bloc comme les mondes ouverts d'aujourd'hui et de laisser le joueur aller librement. Nous avons alors pensé qu'il serait possible de le faire en interrompant la progression de celui-ci par une route." Pour le dire d'une manière extrêmement simplifiée, ils ont fait en sorte de créer différents quartiers reliés entre eux, mais obstrués volontairement à des endroits précis par des obstacles. La conception des trois zones - Shibuya, Kogane-cho et Benten-cho - a été la partie la plus difficile à gérer, notamment pour Kikuchi qui était aussi réalisateur et planificateur sur la section Shibuya.
En plus de son concept original et son univers génial, Jet Set Radio deviendra l'un des fers de lance de la technique dite du "cel-shading", une approche artistique conférant au jeu un rendu cartoon incroyable. Masayoshi Kikuchi se souvient : "Je n'ai pas pensé au cel-shading, c'est plutôt la proposition artistique de Ueda qui a fait que nous sommes allés dans cette direction. J'étais convaincu que je pouvais retranscrire la patte artistique de Ueda par le biais du cel-shading.[...] Le tracé des contours est apparu lorsque l'un de nos concepteurs a créé un effet. En affichant cet effet, une ligne est apparue à l'extérieur de cet effet et je me suis dit qu'on pouvait utiliser ce rendu. J'ai demandé à un programmeur de la R&D travaillant sur les jeux PC ce que l'on pouvait faire en matière d'ombrage bicolore, et nous y sommes parvenus. Quand j'y repense, les capacités techniques de SEGA étaient incroyables."
Réalisé par une équipe très limitée en nombre, Jet Set Radio n'a pu compter que sur la motivation d'une équipe ultrasoudée qui avait fait ses preuves avec la série Panzer Dragoon. Masayoshi Kikuchi s'est appuyé sur l'expertise des techniciens et programmeurs de la firme et ses formidables artistes pour développer ce grand classique de la Dreamcast. Il confie : "Au début du développement, nous ne disposions pas de cette technologie de rendu (cartoon) et nous faisions le jeu sans les contours des personnages et sans les ombres. Je pense que c'est à peu près au milieu du développement que nous avons pu le faire. Et cela a complètement changé le rendu visuel du jeu." L'équipe explique d'ailleurs dans la longue interview de 4Gamer.net qu'un travail énorme a été fait sur les couleurs et la manière de les exploiter dans le jeu.
Porté par une bande-son géniale et une direction très ouverte aux nouvelles idées, Jet Set Radio a gagné le cœur des fans de la Dreamcast. Le refaire aujourd'hui est un véritable bonheur et c'est d'autant intéressant de le faire en prenant connaissance des anecdotes qui suivent. Pour terminer, sachez que l'équipe de développement est actuellement à fond sur le prochain épisode qui a été récemment annoncé. Ils ont d'ailleurs lancé une campagne de recrutement pour venir gonfler les rangs et pas n'importe qui : ils veulent recruter de véritables fans de Jet Set Radio. Ce n'est pas demain que le jeu sortira, mais on peut faire confiance à l'équipe pour ne pas nous décevoir.
Sources : Interview de Masayoshi Kikuchi et Ryuta Ueda par 4Gamer.net / Interview des créateurs de Jet Set Radio par VG247.com / Site web Jetsetradio.fandom.com / Wikipédia anglais de Jet Set Radio
Anecdotes :
- Pour créer la version internationale De la Jet Set Radio (édition japonaise de la version étrangère) et intégrer des scènes plus occidentales, une partie de l'équipe s'est rendue aux États-Unis. Elle a alors pris des risques inconsidérés en louant une limousine et en faisant appel à des gardes du corps pour se rendre dans des quartiers chaud du Bronx à New York et dans différents endroits de la Big Apple.
- SEGA voulait que la version internationale De la Jet Set Radio soit le tout premier jeu disponible pour le XXIème siècle. Par conséquent, le jeu est sorti le 1er janvier 2001 et il a été vendu sur la boutique du site officiel de l'éditeur.
- Jet Set Radio a été renommé Jet Grind Radio aux États-Unis car il existait déjà une marque du même nom. Pour la suite, Jet Set Radio Future, celle-ci avait visiblement disparu et le jeu a pu conserver son nom officiel sur les trois continents.
- Après la sortie du jeu, l'équipe a reçu des fanzines et des lettres du monde entier. Comme les traducteurs automatiques n'existaient pas, il n'était pas facile pour l'équipe de profiter de chaque petit mot.
Toujours des articles avec des anecdotes croustillantes. Merci Régis ;)
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